Le prévenu n’avait à déclarer que son amour pour son épouse et son incompréhension. Pour la partie civile, son intention était claire : réussir là où il avait échoué en 2012.
«Pour tout le monde dans cette salle, ce qui s’est passé paraît clair» malgré les «nombreux allers-retours et les différentes versions des faits» livrées par le prévenu, a présumé Me Penning, avocat des parties civiles mardi matin face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg occupée pour la troisième semaine consécutive à juger Raymond, un septuagénaire suspecté d’avoir étouffé son épouse pendant son sommeil.
Le prévenu prétend ne se souvenir de rien, mais devoir se rendre à l’évidence : le couple était seul dans son appartement au moment des faits dans la nuit du 7 au 8 novembre 2019. Il aurait tué sa femme à l’insu de son plein gré. Des voix ou des visions de défunts et plus particulièrement celle de la mère d’une ancienne amie avec laquelle le prévenu aurait eu une fille, l’auraient contraint à commettre l’irréparable.
Une manière de se défausser jugée d’une grande «lâcheté» par l’avocat «dans une affaire comme nous n’en avons jamais connue». Après avoir été condamné en 2014 pour tentative de meurtre sur son épouse en 2012, le prévenu se serait «pris pour Dieu» et aurait récidivé pour tenter d’atteindre enfin son but.
La famille de la victime qui a explosé depuis son décès, «déplore que le prévenu ne se soit pas livré à des aveux complets, mais ait laissé une porte ouverte sur un tiers, une voix…», poursuit Me Penning, qualifiant le prévenu de «monstre» et d’«égoïste».
Dans sa plaidoirie en ce septième jour de procès, l’avocat a traduit toute la colère et l’immense tristesse qui a envahi les survivants de ce drame aux répercussions mortifères avant de réclamer plus de 350 000 euros de dommages et intérêts pour les petites-filles, le fils, le beau-fils et la belle-mère du prévenu qui ont eu à subir la disparition de la victime et de sa fille qui a choisi d’aller la rejoindre.
«Mon épouse était mon tout»
Depuis le box, Raymond se tapote les yeux avec son mouchoir en tissu parfaitement repassé et plié. Quelques minutes plus tôt, il avait refusé de répondre aux questions de la présidente de la 13e chambre criminelle et s’en était remis à son avocate, Me Frank, qui plaidera en sa faveur cet après-midi.
En larmes et le corps secoué par des sanglots, il a cependant tenu à adresser quelques mots à l’assistance et aux magistrats. «Mon épouse était mon tout. Elle l’est et le restera, a-t-il indiqué. J’ai été heureux avec elle et elle l’a été avec moi. (…) J’ai promis à mon beau-père de bien m’occuper d’elle et je l’ai fait aussi bien que j’ai pu. Elle me manque énormément ainsi que mes deux petites-filles auxquelles je n’aurais jamais consciemment voulu enlever leur grand-mère.»
L’homme dit passer ses journées en prison à chercher des réponses à la mort suspecte de son épouse. «Je n’y comprends rien», conclut-il.
Il n’est pas le seul. Ses amis venus témoigner mardi matin et la semaine passée, ne comprennent pas non plus ce qui, si le prévenu s’avérait être l’auteur des faits, aurait bien pu motiver son geste. Tous décrivent un homme «normal» et un couple «normal».
Presque trop normal pour être capable du pire. Un homme serviable aux petits soins pour sa femme, prêt à tout pour lui simplifier la vie et celle de ses proches. «Un bon ami» pour un des témoins «qui avait tout pour être heureux».
Son épouse avait accepté de lui refaire confiance après la tentative de meurtre de 2012 et le couple semblait fonctionner aussi bien avant qu’après. La veille de sa mort, la victime aurait pourtant confié à son fils ne jamais avoir été heureuse dans la vie.
L’emprise et la jalousie du prévenu avaient été évoquées, mais aucun des témoins ayant témoigné mardi ne peuvent imaginer Raymond jaloux. Questionnés par la présidente de la chambre criminelle et par Me Frank, les témoins disent également ne pas avoir eu vent d’une éventuelle liaison extraconjugale de la victime ou d’un enfant caché du prévenu.
«Ce n’est venu qu’avec les lettres», dira l’un des témoins. Depuis sa cellule, Raymond a envoyé plus de 1 600 lettres à ses proches et amis, entre autres. Il y en aurait eu pour près de 1 000 euros de timbres, selon le prévenu mardi à la barre, qui tient les comptes.
L’argent serait «son dernier atout» et il n’hésiterait pas à s’en servir, a indiqué un Me Penning passablement agacé se basant sur les fameuses lettres, avant de conclure : «Mais foutez-nous la paix !»
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Sophie Kieffer
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