Après deux semaines de procès, le procureur conclut à l’assassinat. La défense plaide l’altération du discernement et l’acquittement pour Raymond, suspecté d’avoir tué sa femme.
Tout accuse Raymond, pourtant personne dans son entourage ne comprend pourquoi il aurait voulu tuer son épouse. Personne, même les très proches, ne peut imaginer un mobile valable. Son avocate, Me Frank, se base sur «l’absence d’argument rationnel expliquant qu’une personne normale qui n’a pas de mobile puisse commettre un tel acte» pour plaider l’acquittement de son client du chef d’assassinat. Sans mobile, pourquoi commettre un meurtre et comment planifier un assassinat ?
Raymond ne se souviendrait plus de ce qui s’est passé dans la nuit du 7 au 8 novembre 2019 dans l’appartement du couple. Tout ce qu’il dit savoir, c’est que son épouse était morte quand il s’est réveillé. Qui l’a tuée, comment et pour quelle raison, le prévenu n’en aurait aucune idée. En prison, il a élaboré diverses hypothèses et suppositions au fur et à mesure de l’enquête pour tenter d’éclaircir ces questions. Selon le médecin légiste qui a conclu à une mort suspecte, la victime a été étouffée. Raymond était seul avec son épouse au moment des faits.
L’avocate de la défense se repose sur la confusion entretenue par la mémoire défaillante du prévenu et ses diverses affirmations tout au long du dossier pour tenter de le disculper. Me Frank plaide l’altération du discernement au moment des faits, seule explication plausible au vu notamment du passif psychiatrique du prévenu et de sa forte alcoolisation décelée après les faits, et ne comprend pas que les experts psychiatres qui ont examiné Raymond ne soient pas arrivés à cette conclusion. Un premier expert l’aurait soulevée en 2012 après la tentative du prévenu d’étouffer son épouse. Une tentative qui le discréditerait aujourd’hui et aurait orienté l’enquête. L’avocate demande au tribunal qu’il ordonne une nouvelle analyse psychiatrique du prévenu.
Pour qu’il y ait meurtre, il doit y avoir une intention. Or, plaide l’avocate, l’enquête et le procès n’ont pas permis de dégager de mobile. Elle se base sur les témoignages de proches et d’amis pour affirmer que le mobile n’était ni sexuel ni financier et que le couple s’entendait bien et avait de nombreux projets. Pourquoi la victime serait-elle restée avec son époux après 2012 s’il avait été le monstre que la partie civile avait décrit la veille ? «Le prévenu a été confus en permanence, on ne peut pas se reposer sur certaines de ces incohérences pour affirmer qu’il est coupable», insiste Me Frank.
Raymond aurait agi froidement
Le procureur n’est pas de cet avis. «La victime a été étouffée par son mari avec un sac en plastique et une serviette éponge», estime-t-il. Raymond aurait d’ailleurs lui-même dit à son fils que sa mère s’endormait avec un sac en plastique sur la tête et une serviette mouillée. De faibles quantités d’ADN des époux avaient été retrouvées dessus. En outre, «il s’est bien laissé le temps pour être certain qu’elle était bien morte», selon le magistrat. Le prévenu, avant de prévenir les secours, se serait débarrassé des sacs, aurait bu une bouteille entière de Campari et aurait téléphoné à ses enfants. Il aurait bu, selon le magistrat, sachant que sa consommation d’alcool avait permis de conclure à une altération du discernement en 2012.
Mais cette fois, le procureur n’y croit pas. «En 2012, les experts avaient exclu une pathologie mentale aliénante, mais n’avaient pas exclu la possibilité d’un épisode rageur après avoir accumulé de la frustration», indique-t-il. «Il avait lui-même été surpris par cette explosion et était passé aux aveux. Cette fois, il se cache derrière des mensonges. Il n’y a pas d’abolition ou d’altération du discernement.»
Les experts ne se tromperaient pas et, selon lui, le prévenu aurait agi froidement et de manière réfléchie, pas dans l’affect. Aux policiers, il aurait énuméré d’autres manières de tuer son épouse qu’il aurait pu choisir si elles n’avaient pas laissé de traces. En outre, il n’y aurait aucun élément permettant d’affirmer qu’il aurait pu agir en suivant une pulsion. Quant au mobile, il serait sexuel, selon lui. Le couple ne se serait pas séparé pour des raisons financières, mais aurait vécu l’un à côté de l’autre. Raymond aurait fait des recherches sur les réseaux sociaux sur l’absence de libido et aurait varié dans ses déclarations à ce sujet entre rancœur, satisfaction et lapsus freudien.
Selon le procureur, la seule solution dans ce dossier est que le prévenu a assassiné son épouse. Il requiert la prison à vie contre Raymond qui, dans le box, fait grise mine.
Le prononcé est fixé au 20 janvier 2022.
Sophie Kieffer