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Luxembourg : jugés pour escroquerie à la carte carburant


(Illustration : Archives LQ)

Depuis lundi, six prévenus comparaissent devant le tribunal correctionnel pour s’être approprié frauduleusement plusieurs milliers de litres de carburant.

Sur les six prévenus d’origine roumaine âgés entre 27 et 42 ans poursuivis pour avoir soustrait du carburant à l’aide de cartes de paiement manipulées, trois se trouvent actuellement en détention préventive. Les caméras de vidéosurveillance dans les stations-service avaient permis de les identifier. Lundi, l’enquêteur a parlé d’une structure avec une véritable hiérarchie.

L’enquête avait été lancée en 2012. À son origine se trouve la plainte déposée par une filiale du groupe Total pour un phénomène qui touchait le Luxembourg et Calais. «Il est question d’un vaste trafic de cartes de paiement manipulées, résumait lundi après-midi l’un des enquêteurs en charge du dossier. La filiale était inquiète pour son préjudice.»

Les enquêteurs luxembourgeois avaient pris contact via Europol avec les autorités étrangères pour un échange d’informations. Rapidement, il s’était avéré que les collègues français et belges avaient été confrontés à des infractions similaires. L’enquête avait abouti à l’arrestation en 2015 des six prévenus d’origine roumaine. Les caméras de vidéosurveillance installées dans les différentes stations-service avaient dans un premier temps permis de repérer les suspects. Ainsi le camion de la conjointe du principal suspect, Erzsebet C., avait-il été filmé à Calais et plusieurs fois au Grand-Duché. Les images révélaient également que le principal prévenu, Ionut D., était apparu plusieurs fois en 2013 et 2014 sur les caméras de surveillance quand les fraudes avaient été effectuées par le moyen de cartes de paiement.

Les écoutes téléphoniques et observations réalisées dans les trois pays avaient permis de confirmer l’implication des autres prévenus. D’après l’enquête, ces derniers se sont servis des cartes de paiement manipulées pour soustraire frauduleusement du carburant, ont secondé le principal suspect sur les aires ou se sont déplacés à bord des véhicules du groupe.

«Les écoutes ont aussi permis de déterminer la hiérarchie au sein de la structure», poursuit l’enquêteur. Selon les investigations, Ionut D. donnait les instructions via son portable. Il était secondé par Cristian P. Vasile C., quant à lui, a été filmé à plusieurs reprises sur des stations-service au Grand-Duché. Son identification avait pris un certain temps. C’est finalement sur base de son profil Facebook qu’il avait été identifié.

«Sers-toi des cartes pendant mon absence»

Lors de la perquisition au domicile inofficiel de Ionut D. à Aubange (Belgique), les enquêteurs belges accompagnés des enquêteurs luxembourgeois avaient découvert du matériel destiné à encoder des cartes de paiement, des carcasses à monter sur distributeur – leur utilisation n’a pas pu être établie –, mais aussi de nombreuses cartes dotées d’une puce magnétique. Ils avaient, par ailleurs, saisi un véhicule ayant servi aux fraudes : un camion contenant une citerne de quelque 1 000 litres. Selon l’hypothèse de l’enquêteur, le véhicule était temporairement garé dans un garage à Aubange et servait à ravitailler des camionneurs. Ionut D. et Daniel H. avaient été interceptés deux jours après la perquisition à bord de leur camion, sur l’aire de Berchem.

Une fois arrêtés, certains prévenus avaient déclaré que des camionneurs leur avaient fourni un nombre important de cartes. En contrepartie, ces derniers auraient reçu de l’argent liquide.

Or l’enquêteur a du mal à croire cette version. «Sur les écoutes, on les a entendus coordonner les infractions et le chef s’est rendu à plusieurs reprises en Roumanie. Ionut D. disait alors « sers-toi des cartes pendant mon absence ». Ou bien « la cache se trouve à tel endroit sur l’aire de Berchem ». Il conclut : «Nous sommes d’avis que le groupe disposait de ses propres cartes et qu’il n’a pas utilisé les camionneurs.»

Dans le cadre de la perquisition, les enquêteurs avaient trouvé des cartes comportant des étiquettes avec des codes PIN. «Ce détail est primordial pour exclure la coopération massive des camionneurs. S’ils avaient signalé un vol ou une perte à leur patron, il leur aurait posé la question : « Comment sont-ils en possession du code PIN? »»

Le procès se poursuit ce mardi.

Fabienne Armborst