Un couple, gérant d’un restaurant asiatique, comparaissait lundi après-midi pour travail clandestin. Deux hommes en séjour illégal les auraient aidés à rénover leur établissement.
Tous les jours, parfois le soir et même le week-end du mois d’août à la fin du mois de novembre 2020», quatre à cinq hommes auraient été occupés à la rénovation d’un restaurant asiatique. Un voisin agacé par les nuisances sonores a témoigné lundi après-midi à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Des personnes étaient là en permanence», assure-t-il. Elles auraient même dormi sur place. «Le bâtiment vibrait et j’entendais des machines de chantier», poursuit-il. Le 14 novembre, il signale le chantier à l’Inspection du travail et des mines (ITM).
«J’ai l’impression d’avoir agi de la bonne manière», indique le témoin qui déménagera avec sa famille en février de cette année. Le président de la chambre correctionnelle plaisante avec le témoin, également locataire des prévenus. Il lui demande pourquoi il n’a pas demandé de modération du loyer ou de bons de réduction au futur restaurant asiatique sur le point d’ouvrir ses portes pour régler le litige plutôt que de préférer le signalement.
L’inspectrice de l’ITM s’est déplacée sur les lieux le 20 novembre de l’année dernière. Elle a trouvé deux hommes en train de déjeuner au milieu du chantier. Les propriétaires ont indiqué qu’il s’agissait d’amis venus déjeuner par hasard. Elle aurait prévenu la police, suspectant du travail au clandestin.
Les deux ouvriers n’avaient pas de papiers et ont présenté un titre de séjour aux policiers dont la photographie n’aurait pas correspondu à leur physique. À l’entre-sol, les policiers auraient trouvé une pièce qui semblait habitée avec un lit d’appoint et un canapé. Ils ont prévenu le service de l’immigration, une fois de retour au poste de police. Les deux ouvriers auraient refusé de parler. Ils auraient eu l’air terrifiés, a rapporté le policier lundi. Les deux hommes sont relâchés et une interdiction de territoire est prononcée à leur encontre. Ils auraient disparu de la circulation depuis. L’enquêteur aurait vérifié auprès du ministère des Affaires étrangères.
Logés, nourris et payés
Les deux hommes auraient travaillé contre des repas et un peu d’argent, selon le policier. Il se serait agi d’amis d’amis qui auraient perdu leur travail en raison de la pandémie, a expliqué la propriétaire. Ils auraient travaillé «pendant 3 mois quelques heures par jour et parfois plus» et «fait des petits travaux de peinture, balayé, cloué des choses…» Les gros travaux auraient été réalisés par des entreprises, prétend-elle. «Vous devez avoir des devis alors ?», a interrogé le président de la chambre correctionnelle, incrédule. Un troisième homme, originaire du même village que les deux hommes, serait venu donner des conseils de décoration pendant une journée. Le restaurant a finalement ouvert en janvier dernier.
Pour l’avocate de restaurateurs, le témoin n’aurait pu affirmer avec certitude combien d’ouvriers se trouvaient sur les lieux et qui faisait du bruit. S’il s’agissait des deux hommes trouvés par l’ITM et la police ou s’il s’agissait d’employés d’entreprises du secteur du bâtiment. Selon elle, il ne se serait pas agi de conditions de travail irrégulier et abusives. Ils auraient été logés, nourris et payés même s’ils n’auraient pas disposé d’un contrat de travail. Elle signale que contrairement à d’autres entreprises contrôlées par l’ITM, l’entreprise des prévenus n’aurait pas commis de récidive depuis qu’elle a été sanctionnée par l’inspection du travail. L’avocate plaide la clémence et demande à ce que des peines de prison ne soient pas prononcées à l’encontre des deux prévenus.
Le procureur a estimé que l’infraction de travail clandestin était donnée : le travail effectué par les deux hommes aurait bien été irrégulier et ils n’auraient pas reçu de revenu social minimum comme prévu par le code du travail. Le dossier serait clair et les contradictions des prévenus ne plaideraient pas en leur faveur. Il a requis des peines de 9 mois de prison à l’encontre du couple et ne s’est pas opposé à un sursis ainsi qu’une amende de 40 000 euros à l’encontre de leur société. Le magistrat a estimé que les faits étaient graves étant donné leur durée.
Le prononcé est fixé au 6 janvier.
Sophie Kieffer