Daniel Frères, un «gangster» ? Outragé par une publication sur Facebook, l’homme politique et défenseur des animaux a voulu laver son honneur en traînant l’auteur de ce propos en justice.
«Pas de publicités svp !» L’autocollant jaune est pourtant assez clair, non ? Pas toujours. Le 4 janvier 2019, le sang de Claude n’a fait qu’un tour quand l’élu écologiste a découvert un prospectus de Daniel Frères qui se présentait aux élections européennes la même année sous la bannière du Parti pirate. Homme d’affaires et défenseur des animaux, il laisse rarement indifférent. Claude, au lieu de jeter le prospectus ou de le mettre avec les papiers à recycler et de ne plus y penser, a passé son énervement sur les réseaux sociaux. Dans un message public, il qualifie Daniel Frères de «gangster» et s’interroge sur la provenance des fonds qui lui ont permis d’éditer le prospectus en question.
Le post est arrivé entre les mains de Daniel Frères qui a moyennement apprécié de se faire traiter de gangster et d’être accusé à mots couverts de détournements de fonds ou de toute autre infraction financière suggérée. Il a saisi la justice et Claude a été convoqué par citation directe face aux juges de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg lundi. L’attaque est inacceptable pour l’avocat de Daniel Frères, qui n’avait pas fait le déplacement. «Le terme gangster signifie que mon client ferait partie d’une association de malfaiteurs, qu’il est une sorte d’Al Capone, ce qui est faux», s’insurge l’avocat, qui se demande si Claude n’aurait pas voulu, à travers Daniel Frères, dénigrer un parti politique concurrent lors de la course aux élections européennes. Pour lui, il y a eu calomnie, diffamation et injures. Il demande au civil 10 000 euros de dommages et intérêts pour son client.
À la barre, Claude dit avoir utilisé le terme «Gängster» comme on dit «vilain garçon», mais pas pour calomnier Daniel Frères. Même si, reconnaît-il, il s’est posé certaines questions en découvrant le prospectus électoral dans sa boîte aux lettres. Des questions que l’outragé aurait mal interprétées, selon l’avocat de Claude, qui n’aurait fait allusion à aucun fait précis et donc n’aurait pas attaqué l’homme politique de front. D’ailleurs, il n’y aurait pas eu d’intention méchante de la part de son client. «Vous ne la prouverez pas», lance-t-il à son confrère. L’utilisation du terme «Gängster» ne constituerait en aucun cas une atteinte à l’honneur ou une injure. Il s’agirait, selon lui, d’un écart de langage. «Selon les circonstances, traiter quelqu’un de la sorte est presque gentil», signifie-t-il. «Si Daniel Frères n’était pas un homme politique, on trouverait cela charmant.» Reste que l’outragé ne l’a pas interprété de cette manière.
«Un personnage qui polarise»
Pour la défense de Claude, l’avocat avance que Daniel Frères est «un personnage qui polarise». Son client ne serait pas le premier à s’être interrogé sur le cumul d’activités de l’homme politique et sur la manière dont elles se confondraient parfois un peu trop, de sorte qu’un amalgame puisse voir le jour. Nos confrères de Reporter.lu ont déjà souligné «la confusion des préoccupations de la personne, du parti politique et de l’organisation de protection animale», citant dans un article divers exemples dont certains sont repris par l’avocat pour montrer à la barre que la frontière entre les intérêts personnels et le parti politique se serait à un moment avérée très ténue.
Il produit une photographie sur laquelle on peut apercevoir un colleur d’affiches du Parti pirate dans une voiture aux couleurs de «Give Us a Voice», l’organisation de protection des animaux de Daniel Frères. De même, pour démontrer aux juges que son client était en droit de se poser des questions à la vue du prospectus, l’avocat souligne les liens entre Daniel Frères et une certaine publication de presse à sensation luxembourgeoise dont la mise en page ressemblerait beaucoup à celle du prospectus en question.
Pour conclure, l’avocat de Claude cite un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme qui établit qu’un homme politique doit normalement avoir des limites plus larges que les citoyens lambda en matière de critique de leur personne et il demande l’acquittement pour son client. La défense campe sur ses positions : l’intention de nuire était bien là. Aux juges de trancher. La représentante du ministère public se rapporte à leur sagesse. Claude sera fixé sur son sort ce jeudi.
Sophie Kieffer