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Les très jeunes femmes vulnérables aux violences mais « invisibles »


(Photo : archives editpress)

Campagnes de prévention adaptées, « tchats » sur internet : des initiatives émergent pour mieux accompagner les très jeunes femmes qui peuvent subir des violences dès leurs premières relations amoureuses et restent sous le radar des associations.

Dans son bureau parisien, Louise Delavier, 26 ans, tape frénétiquement sur le clavier de son ordinateur pour répondre à une jeune femme qui l’a sollicitée sur le tchat d’En avant toute(s).

Il y un an, cette association créée en 2015 a lancé un site internet pour « accueillir différemment » les 18-25 ans. Coloré, au ton bienveillant, il tente de répondre aux questions des jeunes en couple et les incite à parler de leurs problèmes via un tchat.

« Il est trop jaloux », « Il lit mes textos », « J’ai pris une gifle », « Je suis perdue » : dans cet espace de discussion privé, les jeunes peuvent discuter anonymement avec des écoutantes, trois jours par semaine.

« On s’est rendu compte que les jeunes femmes qui subissent des violences ne vont pas voir les associations, mais elles parlent sur internet, sur des sites comme Doctissimo ou des groupes privés sur Facebook », explique Louise, l’une des deux répondantes.

Une conversation peut durer entre 45 minutes et une heure. « Écrire ce qu’on vit, pouvoir relire ses phrases, c’est déjà s’extraire un peu de sa réalité fermée », ajoute Louise, constatant que « la plupart » des femmes qui la consultent « n’ont pas conscience de subir des violences ».

Selon l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff, 2000) près d’une femme sur dix a subi des violences dans son couple. Pour la tranche d’âge 20-24 ans, ce chiffre est de 17%, une sur sept.

L’amour « idéalisé »

C’est le cas de Joan, une bénévole de l’association qui a vécu plusieurs années avec un homme violent, rencontré lorsqu’elle était jeune.

« Il était dans le besoin, j’avais un âme charitable. Je lui ai offert un logement, mon amour, et plein de choses », témoigne-t-elle.

Jaloux, il commence par mettre en doute ses moindres faits et gestes, lui impose des horaires… « Une fois que j’avais perdu toute estime de soi, les violences physiques ont commencé. Jamais en public, bien sûr ».

« Quand on est jeune, on peut avoir une vision idéalisée de l’amour », analyse-t-elle. « On cherche dans le regard de l’autre la validation de ce qu’on est, sans avoir le recul suffisant pour déceler un comportement dominant ».

Pour cette militante de 29 ans, qui anime des ateliers de prévention dans les établissements scolaires, l’autre casquette d’En avant toute(s), les jeunes femmes victimes de violences sont « invisibles » car elles « ne se reconnaissent pas dans les numéros d’urgence ».

« On assimile toujours les violences conjugales aux couples installés, mariés, avec enfants… Elles ont peur de ne pas être crues ».

En moyenne, elles représentent « 11% des femmes accueillies dans les associations spécialisées », précise Aurélie Latourès, chargée d’étude à l’Observatoire régional des violences faites aux femmes du centre Hubertine Auclert, associé à la Région Ile De France.

Pour toucher un jeune public, « il faudrait adapter les outils de communication », préconise-t-elle, « mais peu de structures disposent d’un site internet ou d’un compte Twitter, notamment parce qu’elles n’en ont pas les moyens ».

Au cours de ses travaux, Aurélie Latourès a été frappée par « la méfiance des jeunes vis-à-vis des institutions » mais aussi par « la faible connaissance de leurs droits et des dispositifs vers lesquels ils peuvent se tourner ».

Si le récent mouvement de libération de la parole sur internet, notamment grâce au mot-dièse #Metoo, a permis de toucher les jeunes, il a fait aussi « resurgir plein d’anciens traumatismes », ajoute Louise Delavier, notant une « explosion des discussions » ces dernières semaines sur le site.

« Moins on protègera cette population ultra-vulnérable, plus les violences seront graves », prévient Marie Cervetti, directrice de l’association FIT Une femme un toit, qui gère l’unique centre d’hébergement pour les 18 à 25 ans victimes de violences.

A l’occasion du 25 novembre, l’association lance une campagne d’affichage dans les bus et métros parisiens pour « alerter le plus grand nombre ».

Le Quotidien/ AFP