Un homme et quatre dossiers reflets de la situation à la gare centrale. Stalin était jugé mercredi pour, notamment, vente et détention de stupéfiants.
Le parcours criminel de Stalin aurait commencé en 2014 à Ravenne en Italie, se serait poursuivi en Tchécoslovaquie, pour se terminer au Luxembourg après un crochet par Metz en 2018 où il a fait une demande d’asile. Le prévenu, âgé de 49 ans, est originaire du Nigeria. Il a été entendu ce mercredi par la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg dans le cadre de quatre dossiers de vente de stupéfiants et de séjour illégal. Wisdom et Sead seraient impliqués dans deux de ces dossiers.
Wisdom, 23 ans, est en aveux. Les deux autres nient alors que, selon la police, ils ont tous été pris avec de la drogue sur eux et des sommes d’argent qui proviendraient de la vente de stupéfiants. Le premier dossier remonte au 12 juillet 2020. «C’était juste après la levée du confinement, se souvient le commissaire de police adjoint qui a mené l’enquête. Pendant le confinement, nos effectifs avaient été revus à la baisse. Le milieu de la drogue en a profité pour étendre son influence dans le quartier de la Gare. Le personnel des CFL s’est organisé pour le contrer.»
Le personnel travaillant à la gare connaît certaines têtes et serait témoin de certains phénomènes dans le périmètre de la gare centrale, explique un des agents responsables de la sécurité à la gare, comme des transactions dans les coins, des hommes qui embarquent dans les trains et en sortent juste avant le départ ou des individus louches qui débarquent quelques minutes avant l’arrivée du train de Liège. Le 11 juillet, un de ses collègues a contacté la police, indiquant avoir observé ce qu’il suspectait être des ventes de drogue. La police a décidé d’intervenir dès le lendemain.
Quand les présumés dealers ont vu les premiers uniformes arriver, ils ont pris la fuite, raconte l’enquêteur. Stalin, Wisdom et un troisième homme se sont engagés sur la passerelle qui enjambe les voies en direction de Bonnevoie. Les deux prévenus sont littéralement tombés sur l’enquêteur et son collègue. Le troisième larron a réussi à fuir sur un quai, puis sur les rails, bloquant le trafic ferroviaire. Stalin et Wisdom sont arrêtés. De l’héroïne et de la cocaïne auraient été trouvés sur eux, de même que de l’argent. Wisdom est soupçonné d’avoir vendu cinq boulettes. Il en aurait eu six sur lui et neuf auraient été trouvées au sol après l’arrestation.
Stalin part en détention préventive. Il en sortira en décembre. Le 26 janvier dernier, il se fait pincer alors qu’il aurait vendu deux boulettes de cocaïne à Sead. Il en aurait absorbé 23. Staline s’entête : il ne vend pas de drogue, mais un homme, un «Arabe», l’aurait abordé pendant qu’il faisait la manche, lui aurait donné la drogue et promis une commission s’il la vendait. Wisdom a raconté une histoire similaire.
«La main dans le pot de confiture»
Depuis janvier, Stalin est interdit de territoire, mais il aurait été aperçu par un enquêteur le soir du 6 octobre dernier à l’intersection de l’avenue de la Liberté et de la rue de la Gare où il aurait vendu des boulettes de cocaïne. Il est arrêté le lendemain sur la base des témoignages des acheteurs et des constatations de l’enquêteur.
Des éléments balayés par son avocat qui a tenté de le faire acquitter du volet concernant les stupéfiants. Les images de vidéosurveillance et les témoignages de toxicomanes ne seraient pas des preuves suffisantes, selon lui. La drogue trouvée sur lui au mois de juillet aurait été pour sa consommation personnelle. Rien ne prouverait qu’elle était destinée à la revente. «Je vous demande de le condamner à une peine qui ne l’obligerait pas à retourner en prison», indique l’avocat. Stalin étant en aveux quant au non-respect de son interdiction de séjour au Luxembourg, l’avocat suggère de le condamner à un sursis probatoire lié à cette interdiction. Pour Wisdom, il demande une peine assortie du sursis intégral. Le jeune homme est en aveux et il se serait assagi.
«Stalin conteste l’incontestable», assure la représentante du parquet. Il n’y aurait «pas de discussion» : «Il a été pris la main dans le pot de confiture.» Les preuves dans les trois dossiers liés à la vente, à la détention et au blanchiment de l’argent issu de la vente de stupéfiants seraient claires. «Stalin est à considérer comme un dealer actif», selon elle. Elle requiert une peine de trois ans et demi de prison avant de requérir une peine d’un an de prison contre Wisdom. Elle ne s’oppose pas à un sursis. Selon elle, «il a dû vendre intensément pendant un mois». Contre Sead, «dura lex sed lex», elle a requis une peine de six mois de prison. Consommateur, mais pas vendeur, il avait servi d’intermédiaire entre Stalin et un autre toxicomane, le 26 janvier dernier.
«Ce n’est pas beaucoup, c’est trop», a conclu l’avocat des prévenus, qui seront fixés sur leur sort le 8 décembre.
Sophie Kieffer