Le narcotrafiquant mexicain Joaquin Guzman, alias « El Chapo », a été condamné mercredi par un juge de New York à la perpétuité, symboliquement assortie de 30 années de prison supplémentaires.
Les avocats du narcotrafiquant le plus puissant depuis la fin du règne du Colombien Pablo Escobar, en 1993, ont déjà annoncé qu’ils feraient appel de cette condamnation. Les chefs dont a été reconnu coupable El Chapo le 12 février, à l’issue d’un procès de trois mois, imposaient, au minimum, la prison à perpétuité. Le juge fédéral Brian Cogan a choisi de l’assortir de 30 années de prison supplémentaires pour utilisation d’armes automatiques, suivant ainsi les réquisitions du procureur.
Considéré comme le narcotrafiquant le plus puissant au monde, Joaquin Guzman a acheminé aux Etats-Unis au moins 1 200 tonnes de cocaïne sur un quart de siècle. « Les preuves accablantes présentées lors du procès ont montré que (Joaquin Guzman) était le chef impitoyable et sanguinaire du cartel de Sinaloa », qu’il a co-dirigé entre 1989 et 2014, avait écrit le bureau du procureur fédéral de Brooklyn Richard Donoghue, dans son réquisitoire avant le prononcé de la peine.
Durant le procès, l’accusation a montré que le Mexicain avait ordonné l’assassinat ou mis lui-même à mort au moins 26 personnes -parfois après les avoir torturées-, qui étaient informateurs, trafiquants issus d’organisations rivales, policiers, collaborateurs voire même des membres de sa propre famille.
Un accusé qui affirme avoir été privé d’un procès équitable
Peu après l’ouverture de l’audience, mercredi, Joaquin Guzman s’est exprimé oralement pour la première fois depuis son extradition aux Etats-Unis, en janvier 2017.
Il a affirmé avoir été privé d’un procès équitable et dénoncé ses conditions de détention, affirmant avoir été « torturé physiquement, psychologiquement et mentalement 24 heures par jour ». « La justice n’a pas été rendue », a dit cet homme de 62 ans, qui a bâti, en trente ans, le cartel le plus puissant du Mexique.
Avant que le juge ne prononce la peine, l’ancienne assistante d’un collaborateur d’El Chapo, Alex Cifuentes, avait raconté que Joaquin Guzman avait offert un million de dollars pour sa tête. « Je suis un miracle divin parce que Guzman a essayé de me tuer », a expliqué Andrea Fernandez Velez, qui a pleuré tout au long de son témoignage.
12,6 milliards de dollars de gains
Les trois mois d’audience du procès ont permis de brosser le tableau le plus détaillé à ce jour de l’organisation du cartel de Sinaloa et de l’existence aussi terrifiante que rocambolesque de Joaquin Guzman.
Mercredi, le juge a aussi ordonné la saisie de 12,6 milliards de dollars (11,2 milliards d’euros) ce qui correspond, selon le procureur, aux gains tirés du trafic de drogue. A ce jour, la justice américaine n’en a pas vu le moindre centime.
Selon l’enquête, plusieurs centaines de millions de dollars auraient pourtant transité par le système bancaire et El Chapo aurait également investi dans une compagnie d’assurance située aux Etats-Unis.
Celui dont le parcours a commencé en travaillant dans les champs de cannabis du Sinaloa, sa région d’origine, devrait purger sa peine à l’Administrative Maximum Facility, un établissement situé au milieu de nulle part, à Florence (Colorado). Surnommée l’ « Alcatraz des Rocheuses », la prison est considérée comme la plus sûre des Etats-Unis et abrite plusieurs détenus célèbres comme Terry Nichols (complice dans l’attentat d’Oklahoma City) ou le Français Zacarias Moussaoui, qui a participé à la préparation des attentats du 11-Septembre. « Une version aseptisée de l’enfer », titrait l’émission « 60 Minutes » de la chaîne CBS en 2007.
Placé dans une prison ultra-sécurisée au sud de Manhattan depuis son extradition en janvier 2017, Joaquin Guzman s’est régulièrement plaint par le biais de ses avocats de ses conditions de détention, sa cellule sans fenêtre étant éclairée artificiellement en permanence. « La peine demandée par l’Etat, soit la perpétuité assortie de trente ans est une blague », avait estimé son avocat Eduardo Balarezo. « La condamnation et l’incarcération de Joaquin (…) ne vont rien changer à la guerre contre la drogue. »
Lors d’un entretien à l’AFP, la procureure spéciale de New York en charge des stupéfiants Bridget Brennan a reconnu que la mise hors circuit de Joaquin Guzman n’avait pas amoindri l’influence du cartel de Sinaloa. « Nous pensons que c’est celui qui est responsable de l’acheminement de la plupart de la drogue qui entre aux Etats-Unis », a-t-elle expliqué.
LQ/AFP