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Le marabout fait appel… à la Cour


Le marabout faisait notamment boire de la "potion magique" pour faire disparaître toute sorte de problèmes. (illustration AFP)

Condamné à deux ans ferme et une amende, le quadragénaire a fait appel. Il nie avoir empoché le moindre centime en jouant au «grand voyant médium».

Totalement désespéré, Antonio* (41 ans) s’imaginait résoudre ses problèmes de couple avec des séances spirituelles. « Mais sans argent, les esprits ne viennent pas », récapitulait vendredi matin le représentant du parquet général. En 2013, cet ouvrier forestier avait perdu autour de 40 000 euros… mais sa femme il ne l’a jamais récupérée.

Fin mars 2018, le tribunal correctionnel a reconnu coupable Karamba D. (41 ans), originaire de Guinée, d’escroquerie et abus de faiblesse. Le prétendu marabout a écopé de deux ans de prison ferme et d’une amende de 2 000 euros. Enfin, il a été condamné à rembourser 20 000 euros à la victime.

Pouvoirs surnaturels

Du dossier, il ressort qu’Antonio avait remis à Karamba D. cette somme dans l’espoir de récupérer les 20 000 euros investis précédemment auprès d’un certain «Momo». Les premiers juges ont retenu que le prévenu a procédé à de multiples manœuvres frauduleuses : il s’est présenté comme grand voyant médium sous le nom de Jacob. Il a fixé plusieurs rendez-vous avec sa victime. Il lui a passé d’innombrables coups de fil. Il a fait état de pouvoirs surnaturels. Il lui a promis à plusieurs reprises qu’il pouvait récupérer les fonds remis à «Momo»…

Insatisfait de cette décision, Karamba D. a interjeté appel. Vendredi, le quadragénaire ne s’est toutefois pas présenté à son procès. « Mon client habite dans un coin reculé en France. Il vient de Poitiers. Il aurait mis douze heures pour venir en train… », expliquait Me Philippe Stroesser. Comme en première instance, l’avocat du prévenu, libéré sous caution après avoir passé quatre mois en détention préventive, a plaidé l’acquittement : « Mon client conteste avoir touché 20 000 euros. Il n’a pas non plus été établi que la victime avait les capacités financières pour payer cette somme .»

Enfin selon Me Stroesser, il n’y aurait pas eu de séances de spiritisme ni de mises en scène pour faire croire à la présence d’esprits : « C’étaient de multiples mensonges, ni plus ni moins, quand il lui a dit qu’il allait l’aider à récupérer ses 20 000 euros. Il n’y a eu ni manœuvre frauduleuse ni escroquerie. »

Déjà condamné en Belgique

Si le prévenu nie avoir empoché le moindre centime en jouant au marabout, pour le parquet général il est bien établi que Jacob a reçu 20 000 euros. La preuve de la remise aurait été obtenue via les écoutes téléphoniques. Karamba D. aurait employé des techniques propres à altérer le jugement d’une personne. Il cite une conversation téléphonique d’un quart d’heure, lors de laquelle, la victime avait uniquement parlé une minute.

Bref, d’après le premier avocat général, les premiers juges ont «très bien motivé leur jugement». Il demande de confirmer les deux ans de prison ferme et de prononcer une amende : « Un sursis n’est plus possible. Le tribunal correctionnel de Bruxelles l’a condamné en 2010 à deux ans de prison avec un sursis partiel. »

Comme les premiers juges, le parquet général estime toutefois que Karamba D. ne peut pas être reconnu coupable des faits concernant les deux autres victimes : Pedro* (59 ans) avait perdu près de 15 400 euros. Dans une boîte en métal, il avait placé 154 billets (correspondant à l’âge total des membres de sa famille) de 100 euros pour «renforcer le travail spirituel». Il avait aussi acheté des œufs, du poulet et des bougies pour les besoins du rituel…

José* (78 ans), quant à lui avait perdu 290 euros. Monsieur «Jacob» avait informé le retraité que sa femme était possédée par des forces maléfiques. Le mari désespéré était sur le point de contracter un prêt bancaire à hauteur de 7 000 euros. Il s’était même rendu à la police à Diekirch pour qu’elle l’aide dans cette opération… Mais à la différence d’Antonio, Pedro et José n’avaient pas reconnu le prévenu comme le grand voyant médium.

La Cour d’appel rendra son arrêt le 30 octobre.

Fabienne Armborst

*Les prénoms ont été modifiés