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Le légendaire narcotrafiquant «El Chapo» déclaré coupable


«El Chapo» Guzman aurait corrompu les plus hautes sphères de l'État mexicain. (photo AP)

Le célèbre narcotrafiquant mexicain Joaquin Guzman, alias « El Chapo », a été déclaré coupable mardi par un jury à New York, une victoire pour les autorités américaines après un procès de trois mois qui a étalé la violence et la corruption des cartels.

Les 12 jurés du tribunal fédéral de Brooklyn ont jugé El Chapo, figure de légende des cartels mexicains, coupable des 10 chefs d’accusation à son encontre. À commencer par le principal, à savoir qu’il avait codirigé le puissant cartel de Sinaloa, responsable de l’exportation de centaines de tonnes de cocaïne et d’autres drogues aux États-Unis entre 1989 et 2014.

Ce verdict devrait valoir, aux termes de la loi américaine, une peine de perpétuité non négociable à « El Chapo », 61 ans, qui avait été extradé aux États-Unis en janvier 2017 après deux évasions spectaculaires au Mexique. Le prononcé de sa sentence est prévu pour le 25 juin.

À l’annonce du verdict, El Chapo, en costume gris et chemise beige, a regardé sa jeune épouse, Emma Coronel, qui a assisté à la quasi-totalité du procès, et mis la main sur le cœur. Cette ex-reine de beauté américano-mexicaine de 29 ans, avec qui il a eu deux filles jumelles, lui a soufflé un baiser.

Les avocats d’El Chapo ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel. « Pour le meilleur ou pour le pire, (El Chapo) est quelqu’un qui ne renonce jamais », a déclaré un des avocats, Bill Purpura.

« Ténacité et détermination »

De nombreux responsables du gouvernement américain, qui n’avait jamais obtenu l’extradition du Colombien Pablo Escobar, mort dans une opération policière à Medellin en 1993, ont eux salué ce verdict, obtenu après des années d’une vaste et coûteuse enquête internationale.

L’affaire a montré « le rayonnement extraordinaire du gouvernement américain, notre ténacité et détermination à poursuivre des chefs de cartels », a affirmé le ministre de la Justice par intérim, Matthew Whitaker. « Ce procès a levé le rideau sur le trafic international de drogue comme aucun procès ne l’avait jamais fait », s’est aussi félicité le procureur fédéral de Brooklyn, Richard Donoghue. « Il a aussi révélé qu’ils ont pu opérer grâce à une corruption endémique – c’est inacceptable et cela va s’arrêter », a-t-il ajouté.

La justice américaine tenait à exposer le fonctionnement des cartels latino-américains qui inondent les États-Unis de drogue depuis les années 80. Le cartel de Sinaloa, du nom d’un État au nord-ouest du Mexique dont El Chapo est originaire, est cependant loin d’être anéanti : son codirigeant, Ismael « El Mayo » Zambada, est toujours en fuite, ce qui a fait dire à la défense d’El Chapo que tout le procès était une « mascarade ».

«La guerre contre la drogue est un échec total»

« La guerre contre la drogue est un échec total », a tweeté après le verdict un des avocats d’El Chapo, Eduardo Balarezo. « La condamnation d’El Chapo ne changera rien. »

Pendant les trois mois d’audience, les enquêteurs américains ont fait défiler à la barre quelque 56 témoins, dont de nombreux ex-associés ou employés d’El Chapo, qui l’ont tous accusé d’avoir codirigé le cartel de Sinaloa. Plusieurs, désormais emprisonnés aux États-Unis ou sous la protection des autorités américaines, ont décrit avec force détails, souvent sanglants, le quotidien du cartel et le rôle central joué par El Chapo : la logistique de l’exportation de centaines de tonnes de cocaïne venue de Colombie vers les États-Unis, comme les violences commises pour neutraliser les cartels rivaux ou encore la corruption systématique de la police, des militaires et de responsables politiques pour qu’ils ferment les yeux.

Des millions de dollars de pots-de-vin versés jusqu’au plus haut niveau

Une corruption qui se serait traduite, selon certains témoins, par le versement de millions de dollars de pots-de-vin au plus haut niveau du gouvernement mexicain, jusqu’à l’ex-président Enrique Pena Nieto, même si ce dernier a toujours nié avoir touché de l’argent des narcotrafiquants.

Les avocats de la défense ont eux assuré qu’El Chapo n’était qu’un bouc émissaire d’un gouvernement mexicain corrompu, et que les ex-associés ayant témoigné contre lui n’étaient que des « ordures » prêts à mentir pour réduire leur peine. Ils ont présenté Ismael « El Mayo » Zambada comme le vrai patron du cartel et « la pièce manquante du procès » et n’ont cité, très brièvement, qu’un seul témoin. El Chapo lui n’a pas témoigné.

Une vie de pacha pendant 25 ans

Mais le procès a permis d’entrevoir la vie de pacha que cet homme, né dans la pauvreté, a menée pendant ses 25 ans au sommet du cartel, voyageant en Suisse pour des cures de rajeunissement, à Macao ou à Las Vegas pour jouer dans les casinos.

Son ex-pilote et responsable du cartel pour la ville de Mexico a expliqué qu’il disposait de quatre avions, de nombreuses résidences, dont une luxueuse dans la grande station balnéaire d’Acapulco, d’un yacht baptisé « Chapito » et d’un ranch doté de son propre zoo et d’un petit train pour le traverser.

Plusieurs témoins ont aussi décrit une scène particulièrement cruelle lors de laquelle El Chapo a personnellement torturé et exécuté trois trafiquants rivaux.

On ignore encore où El Chapo purgera sa peine, mais il pourrait rejoindre une prison du Colorado parfois surnommée « l’Alcatraz des Rocheuses », considérée comme une des plus sûres des États-Unis.

AFP

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