Des associations sont montées au créneau : une personne en situation irrégulière a été exploitée par un patron peu scrupuleux. Elle a porté plainte… et va être expulsée.
De la colère et du dégoût! Cinq associations ont décidé de rendre publique une affaire particulière scandaleuse qui touche une femme n’ayant pas de papier et qui est menacée d’expulsion après avoir porté plainte à la police grand-ducale pour des faits de non-respect du code du travail au niveau de la rémunération mais aussi de harcèlement sexuel, d’attouchements sexuels ainsi que de violences verbale et physique de la part de son «patron». Pour ces cinq associations, l’ASTI, le CID Fraen an Gender, Finkapé – Réseau afro-descendant Luxembourg, le CLAE et Time for Equality, c’est le monde à l’envers : c’est la victime qui a été punie et qui doit maintenant quitter le Luxembourg.
Cette affaire concerne une jeune Brésilienne sans papier qui a décidé de briser la loi du silence et qui a pris son courage à deux mains pour se rendre au commissariat pour porter plainte. Son employeur était violent et exploiteur, précisent les associations et la jeune femme, dans une situation fragile, aurait subi de nombreux abus. Ne voulant plus être exploitée, elle a donc expliqué toute son histoire aux policiers. Son patron était même au courant de sa démarche! Mais cela ne lui faisait pas peur. Il lui aurait même dit : «Tu peux aller à la police, les conséquences seront plus grandes pour toi que pour moi», selon les associations. Il avait raison malheureusement…
Après près de cinq heures d’entretien avec la police et après que la direction de l’Immigration a été informée, le passeport de la jeune femme lui a été confisqué et elle a reçu un ordre de quitter le territoire dans les 30 jours, ont expliqué les cinq associations dans leur communiqué. La jeune femme doit maintenant se présenter à la direction de l’Immigration le 1er juillet pour organiser son retour volontaire. Pour ce qui est de la plainte contre l’employeur, il sera simplement convoqué pour donner sa version des faits, précisent les associations. La victime, exploitée et abusée par son employeur au Grand-Duché, voulait retrouver sa dignité. Elle est maintenant priée de dégager du territoire pour s’être plainte. Aberrant et à peine croyable!
Des ministres interpellés
Pour les cinq organisations qui s’occupent de cette personne désormais sommée de déguerpir en silence, il est «inacceptable de décourager des victimes d’exploitation et d’agression de porter plainte à la police surtout si elles sont sans titre de séjour». Elles ajoutent : «Cet évènement illustre pourtant bien cela, les conséquences d’une plainte à la police étant plus grandes pour la victime que pour l’employeur. Cette logique favorise la violence, l’exploitation et le trafic d’êtres humains.»
Quel message est envoyé à toutes ces femmes sans papier qui sont exploitées et qui ne peuvent prendre la parole pour dénoncer des faits parfois particulièrement cruels? Cette femme est déjà une exception, car la plupart des victimes n’osent pas parler, comme le rappellent les cinq organisations ayant dévoilé l’affaire ce jeudi. «Les personnes en situation de séjour irrégulier, particulièrement les femmes, sont des proies faciles pour toutes sortes d’exploitations et de violence», écrivent-elles. Et elles assènent : «Son courage devrait être applaudi, encouragé et non réprimé.» Les membres des cinq organisations regrettent amèrement que la solution de renvoyer la victime dans son pays prédomine et que les suites juridiques d’une plainte pour harcèlement et violence tombent ainsi au second plan.
Des démarches ont été entreprises pour permettre à cette jeune Brésilienne de rester au Grand-Duché et ne pas être expulsée après avoir été sordidement exploitée dans le pays. Le ministre de l’Immigration et de l’Asile, Jean Asselborn, a été interpellé afin de suspendre l’ordre d’éloignement de la victime. La ministre de l’Égalité, Taina Bofferding, et le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox, ont également été contactés pour leur demander d’agir au plus vite pour qu’une procédure soit mise en place afin de permettre aux victimes en situation de séjour irrégulier d’être protégées et que les plaintes contre des employeurs sans scrupule soient jugées. Les cinq organisations attendent une réponse. Pour elles, le Luxembourg doit passer un message très clair : les victimes sont entendues et cela peu importe leur situation de séjour, dans une vraie logique de solidarité et de soutien aux droits fondamentaux chers à notre pays. Nous en sommes loin pour l’instant avec ce cas précis.
L. D.
C’est l’absolution des abus contre les femmes.