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[Justice] La Chambre de l’application des peines a traité 210 recours en un an


Depuis un an, la chambre de l'application des peines (CHAP) est en fonction. Dans seulement 6 % des recours introduits, elle a réformé la décision initiale. (Photo : archives lq/Julien Garroy)

Pendant longtemps, les détenus n’avaient aucune possibilité d’introduire un recours contre les décisions prises par le délégué du procureur général d’État en matière d’exécution des peines. Tout cela a changé l’an passé avec l’introduction de la chambre de l’application des peines (CHAP). Un premier bilan.

Demande de libération anticipée ou conditionnelle, demande de congé pénal… Depuis le 15 septembre 2018, la nouvelle chambre de l’application des peines (CHAP) permet à tout détenu d’introduire des recours contre les décisions prises par le délégué du procureur général d’État en matière d’exécution des peines ou contre les décisions prises par le directeur de l’administration pénitentiaire.

En un an, 210 recours ont ainsi été déposés. Dans 209 cas, un arrêt a pu être rendu. Dans la grande majorité des cas, les condamnés n’ont toutefois pas obtenu gain de cause. Ainsi, 109 recours ont été déclarés «non fondés» et 50 «irrecevables». Dans 21 cas, la CHAP s’est déclarée «incompétente ». Bref, au final, dans 13 arrêts, il y a eu réformation. Et une fois, il y a eu réformation partielle. Toujours d’après les chiffres que nous a fournis l’administration judiciaire, dans la plupart des affaires – 163 au total –, l’objet de la demande concernait la peine privative de liberté. Quarante-six fois, c’est un aménagement pour l’interdiction de conduire qui était visé. Et une seule fois l’amende.

Des avocats pénalistes déçus

Quand on aborde cette première année avec les avocats pénalistes, c’est surtout le faible nombre de décisions en faveur des détenus qu’ils retiennent. Si on apprécie que le Luxembourg dispose aujourd’hui d’une nouvelle instance qui ne dépende pas du parquet général, on se > dit déçu que la CHAP entérine quasiment systématiquement les décisions du service de l’exécution des peines au parquet général. Me Philippe Stroesser se réjouit d’avoir obtenu pendant les vacances un gain de cause partiel. Mais sur la bonne dizaine de recours introduits au cours de l’année, il déplore avec ses clients que ces derniers et luimême n’aient jamais eu l’occasion de s’exprimer. Et ce, malgré ses multiples demandes. La loi prévoit bien la possibilité d’entendre le condamné. Mais dans les faits, c’est la CHAP qui apprécie la pertinence ou non. «Certes les recours qu’on introduit doivent toujours être motivés, poursuit le pénaliste, n’empêche que dans certaines situations il est utile de pouvoir s’exprimer, donner son point de vue.» «Souvent, il s’agit de questions importantes pour les clients : transfert vers Givenich, semi-liberté, bracelet électronique… Il est donc important que le détenu puisse montrer qu’il est motivé», appuie Me Stroesser.

C’est en chambre du conseil que la CHAP composée de trois magistrats (et d’un juge unique en matière de congé pénal ou de recours disciplinaires) siège. Concrètement cela signifie que la défense introduit sa requête par écrit. Tout comme le représentant du parquet général ses réquisitions. Assistée d’un greffier, la formation collégiale de trois magistrats statue. Le parquet général est uniquement présent quand les magistrats estiment utile d’entendre le condamné. Mais à entendre les pénalistes que nous avons interrogés, aucun n’a jamais été convoqué pour une comparution à une audience… Finalement, seul le prononcé a lieu en audience publique. Pour Me Sébastien Lanoue, les règles de procédure ne sont pas non plus tout à fait satisfaisantes : «Vous êtes obligé de déposer votre acte de recours avec vos moyens. Ensuite seulement, le ministère public rend ses conclusions.» À part dans la décision finale, l’avocat ne voit pas donc pas les conclusions du parquet général.

«Des pouvoirs limités à différentes matières»

Dans seulement 6 % des recours introduits, la CHAP a donc réformé la décision initiale. «Depuis un an, on dispose d’une instance de plus, ce qui est très bien, mais en l’état actuel, les pouvoirs de la CHAP restent limités à différentes matières», note Me Maximilien Lehnen. Il cite l’exemple de sa collaboratrice Me Laura May : «Un de ses clients voulait se marier en prison. Après le refus de la déléguée du procureur général d’État, elle a donc introduit un recours à la CHAP en invoquant le droit de la famille. Mais la CHAP s’est déclarée incompétente.» De même, l’absence de possibilité d’un pourvoi en cassation n’est pas passée sous silence dans les cercles pénalistes. «Si un jour on vise la CEDH à Strasbourg, il faut avoir épuisé tous les recours. Or ici le pourvoi en cassation n’est pas possible…» Les pénalistes ne se leurrent toutefois pas : si un grand nombre de recours ont été déclarés irrecevables, l’une des raisons en est l’absence de motivation. Autre point à respecter quand on attaque une décision : le recours doit avoir été formé dans un délai de 8 jours ouvrables.

Fabienne Armborst

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