Ivre, Jacques* avait frappé l’amie chez qui il logeait. La soirée bien arrosée au Martini s’est terminée au tribunal. Malgré la mesure d’expulsion, cela ne l’avait pas empêché de revenir le lendemain…
«Quand une mesure d’expulsion a été prononcée, cela signifie qu’on n’a plus le droit de revenir. C’est sérieux.» Le représentant du parquet ne lâche pas du regard le quadragénaire assis sur le banc des prévenus. Il revient à la charge : «Quand on est mis à la porte, il faut respecter cette mesure. La loi prévoit jusqu’à 5 ans de prison…»
La violation de domicile n’était qu’une des infractions reprochées dans le dossier sur lequel planchait, lundi matin, la 18e chambre correctionnelle. Il y a aussi les coups et blessures volontaires et les menaces d’attentat. Et tout cela en moins de 24 heures. C’était il y a deux ans. La police avait été appelée à deux reprises au domicile à Bascharage où Jacques* logeait à l’époque chez une amie d’adolescence. Elle l’avait accueilli quelques mois plus tôt chez elle alors qu’il vivait à la rue.
Sept à huit bouteilles de Martini pour trois
Que la soirée du 21 septembre 2018 a dégénéré, ils ne le cachent pas. Si face aux juges, elle ne se souvient pas de grand-chose à part de l’alcool, lui se rappelle certains détails. Ce fameux soir, une troisième personne s’était jointe à eux. «Comme on n’avait pas d’argent, je l’ai invité car lui en avait. Il devait organiser sept à huit bouteilles de Martini.» Des bouteilles que le trio semble avoir toutes vidées. Ce qui peut expliquer certaines choses dans la suite des événements… ou souvenirs.
L’amie prétend avoir terminé la soirée à l’hôpital avec une commotion cérébrale, après être tombée par terre. Mais Jacques relativise tout cela. «C’étaient deux petites tapes sur la tête.» Il ne manquera pas de faire la démonstration aux juges en faisant claquer sa main sur sa propre tête : «Comme ça.» Il tentera aussi de montrer comment était agencée la pièce. Mais le président mettra fin à ses gesticulations : «Restez face au micro pour parler.»
Un homme au lieu de son portable
Sur la question de savoir qui a empoigné qui jusqu’à ce que les forces de l’ordre interviennent, les versions divergent. Mais ce que l’on sait, c’est qu’à la fin de cette soirée houleuse Jacques a fait l’objet d’une mesure d’expulsion par le parquet. Et qu’il ne s’y est pas tenu. Vers 8 h 30, le lendemain matin, il s’est de nouveau pointé à la porte de son amie à Bascharage. «Il n’a pas sonné, car la sonnette était cassée. Mais il voulait rentrer», se remémore-t-elle. La suite, on l’entendra de la bouche du prévenu. Selon lui, il avait ses raisons de revenir : «J’avais oublié mon portable. Six heures plus tard, j’y suis donc retourné.» Mais au lieu de son portable, il aurait retrouvé l’homme qui avait apporté l’alcool la veille. «J’étais en colère. Il portait mes vêtements», indique le prévenu face aux juges. «Je lui ai enlevé le t-shirt. Ses lunettes sont tombées par terre. C’est vrai que j’ai marché exprès dessus pour les casser. Mais je ne l’ai pas frappé…»
Quand la police l’arrête un peu plus tard dans un bus, Jacques est toujours sous l’influence d’alcool. Une mauvaise habitude qu’il dit désormais avoir bannie «depuis un an et deux mois». «Je fume toujours mon pétard. Mais je n’ai plus d’embrouilles avec la police à cause de l’alcool.»
«Aujourd’hui je travaille comme tout le monde»
Et d’ajouter : «Aujourd’hui je vais travailler tous les jours comme tout le monde.» «J’ai 48 ans et je n’ai jamais été au tribunal. C’est la preuve que je ne suis pas une personne violente», tentera-t-il encore de convaincre le tribunal.
«Une dispute sur fond d’alcool et de jalousie», retiendra le représentant du parquet dans son réquisitoire. Il parlera encore d’une relation avec des hauts et des bas tissée sur des liens de dépendances. Mais selon le parquet, ce soir-là il y a bien eu des coups et blessures. Difficile, par ailleurs, d’imaginer qu’il n’y ait pas eu de violences quand Jacques a voulu récupérer son t-shirt.
Relevant les aveux partiels du prévenu et le fait que son casier ne renseigne aucun antécédent en la matière, le parquetier a estimé : «Le plus important est que le tribunal lui fasse passer le message que ce qu’il a fait ne va pas.» Il requerra au final neuf mois de prison avec sursis et une amende «afin de lui laisser une chance». Il rejoindra, par-là, les plaidoiries de la défense.
Prononcé le 1er octobre.
* Le prénom a été modifié.
Fabienne Armborst