Un dragueur rembarré, un frère chevaleresque, des insultes et un coup de couteau. À cause de broutilles, Joao risque de passer sa jeunesse en prison pour tentative d’assassinat.
Tu ne tueras point», dit la Bible. Tu ne tenteras pas de tuer non plus, ajoute la justice. Et tu ne menaceras pas de mort, précise-t-elle. Joao n’a pas tué, mais il aurait pu, à quelques centimètres près. Il aurait également menacé sa victime présumée et la sœur de cette dernière. Pour cela, il risque de passer un certain nombre d’années derrière les barreaux.
Joao a 21 ans. Il est arrivé de Guinée-Bissau avec sa famille au Luxembourg il y a quatre ans. Le 26 août 2020, il aurait poignardé André en plein après-midi à la Kinnékswiss dans le parc municipal de la capitale. La veille, il aurait molesté et menacé pour la seconde fois la petite sœur du jeune homme. Les circonstances ne sont pas claires. «Il m’a dit que j’avais de la chance d’être une fille, sinon il m’aurait déjà frappée, qu’il pouvait me violer, qu’il avait fait de la prison et que je ne savais pas à qui j’avais affaire», a raconté la jeune fille jeudi, à la barre de 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Les insultes et les menaces se seraient poursuivies sur Snapchat entre Joao et André jusqu’à ce qu’ils décident de se rencontrer. Joao n’aurait pas supporté qu’André le traite de fils de péripatéticienne. Il aurait envoyé des messages à la jeune fille de 17 ans à l’époque des faits, disant qu’il allait «tuer son frère» ou «le ramener dans un cercueil». À André, il aurait écrit «T’es mort!» ou «Je te fais un coup de couteau». Le 26 août dans l’après-midi, les deux jeunes hommes se retrouvent dans le parc. Joao aurait tiré le couteau à viande de sa ceinture et frappé André à la poitrine avant de prendre la fuite. Dans la soirée, il aurait blessé au bras un ami avec un couteau à Ettelbruck à la suite d’une rixe pour un blouson qu’il n’aurait pas voulu rendre. Il se serait rendu à la police le lendemain. Il est depuis en détention préventive. L’arme du crime n’a pas été retrouvée. Le prévenu a indiqué s’en être débarrassée dans la Pétrusse et avoir jeté le second couteau dans l’Alzette.
Des messages qui en disent long
Vendredi, le procureur dans son réquisitoire, a rapporté les versions des trois protagonistes. À la police, Joao qui reconnaît les faits, aurait dit «qu’il n’hésiterait pas à répéter son geste, si on insultait à nouveau sa maman». Quelques jours plus tard, il aurait cependant demandé à ses deux victimes présumées de retirer leurs plaintes pour lui éviter de «prendre 15 ans». Quinze ans, c’est la peine requise par le procureur vendredi. Il a demandé à la 13e chambre criminelle de ne pas le condamner à une peine de prison inférieure à 10 ans. La seule circonstance atténuante qui pourrait, selon le magistrat, bénéficier à Joao est son jeune âge.
Joao comparaissait depuis jeudi pour menaces, vol, coups et blessures volontaires, tentative de meurtre et tentative d’assassinat. Le procureur a retenu la tentative d’assassinat et estimé que tout ces chefs d’inculpation étaient en concours réel. Pour qu’il y ait assassinat, il doit y avoir meurtre avec préméditation. Le mécanisme est identique en cas de tentative. Le représentant du parquet a estimé que bien que la blessure résultant du coup de couteau n’était pas de nature à donner la mort, elle aurait pu être fatale. Le prévenu aurait «adopté volontairement un comportement interdit». Le fait qu’il ait pris la fuite après son geste et n’ait pas porté secours à sa victime présumée, montrerait son intention de tuer. Elle serait d’ailleurs renforcée par les messages où il écrit «Je vais te tuer aujourd’hui!».
Ce sont ces messages ainsi que le fait qu’il se soit rendu au rendez-vous armé qui permettraient de conclure à la préméditation. Il ne s’agirait pas, comme le prétend la défense de «légitime défense anticipée» ou d’«une attaque involontaire sous le coup de la colère». Le prévenu aurait, selon le procureur, «un problème de gestion de ses passions et de ses émotions». Il en veut pour preuve les rapports disciplinaires établis à son encontre par l’administration pénitentiaire à la suite des insultes à cinq reprises au personnel pénitentiaire. «L’expertise psychologique a relevé chez le prévenu un seuil de tolérance à la frustration très bas et un état violent», rappelle le magistrat.
L’avocat du jeune homme a une nouvelle fois plaidé l’acquittement des chefs d’inculpation de tentative de meurtre et de tentative d’assassinat. Joao n’aurait pas eu l’intention de tuer. «Il n’a donné qu’un unique coup de couteau», souligne l’homme de loi. Le couteau? «Pour se protéger» «lui a été donné par un ami». Les messages de menaces? Une pratique «régulière» chez les jeunes. Si le prévenu venait à être condamné, il devrait l’être à une peine correspondant à sa situation et qui ne risque pas de l’aggraver.
Sur le banc des prévenus, le jeune homme qui la veille encore tentait d’embrouiller tout le monde et sous-entendait que les différents rouages de l’appareil judiciaire avaient mal fait leur travail, est bien calme. Il finira par s’excuser auprès des victimes et de la présidente du tribunal. Joao sera fixé sur son sort le 28 octobre.
Sophie Kieffer