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Italie : ouverture du procès de plusieurs centaines de mafieux


Le dispositif du procès est impressionnant. Ici, une vue depuis le box des accusés. (photo : AFP)

Accusés de trafic de drogue, d’extorsion et de crimes de sang, ils sont jugés sur leur territoire : des centaines de membres présumés de la ‘Ndrangheta, la plus puissante mafia italienne, comparaissent à partir de ce mercredi en Calabre.

Le procès s’est ouvert peu après 11 h par la lecture par la juge Tiziana Macri des noms des avocats de la défense et des accusés. Plus de 350 personnes, ‘Ndranghetistes mais aussi élus locaux, fonctionnaires, policiers et entrepreneurs, défileront à la barre, le plus souvent en visioconférence à cause de la pandémie de coronavirus, devant le tribunal spécialement aménagé à Lamezia Terme.

Sont également attendus 900 témoins et 400 avocats lors de ce procès-fleuve hors normes, le plus important depuis trois décennies, organisé au cœur de la plus pauvre des régions italiennes contre une redoutable organisation criminelle qui contrôle les flux de cocaïne dans toute l’Europe. Sur le banc des accusés, le boss Luigi Mancuso, qui a déjà passé près de vingt ans en prison, mais aussi des dizaines d’autres dotés de surnoms dignes d’un film de Hollywood : « le Loup », « P’tit Gros », « Blondinet », « Petite Chèvre »…

Ce « maxiprocès » est « un jalon dans l’édification d’un mur contre les mafias en Italie », a déclaré à la veille de l’ouverture des débats le procureur Nicola Gratteri. Mercredi, il a souligné avant le début de l’audience que ce procès « veut donner une idée précise de la mafia calabraise aujourd’hui, non plus une mafia de bergers enlevant des personnes, mais une holding du crime ».

58 témoins à charge

Par ses proportions, ce procès n’est dépassé que par le premier maxi-procès de 1986-1987 à Palerme contre la Cosa Nostra sicilienne, à l’issue duquel 338 accusés furent condamnés. Les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino furent ensuite assassinés par la mafia. Fait rare pour la ‘Ndrangheta qui s’est construite sur les liens du sang et punit impitoyablement les « repentis », 58 témoins à charge ont accepté de briser l’omertà, la loi du silence, pour révéler les secrets du clan Mancuso et de ses associés.

La plupart des accusés ont été arrêtés lors de raids de la police en décembre 2019 en Italie, en Allemagne, en Suisse et en Bulgarie. L’éventail des crimes et délits qui leur sont reprochés est large : association mafieuse, meurtre et tentative de meurtre, trafic de drogue, usure, abus de pouvoir, recel et blanchiment d’argent. En Calabre, la mafia a infiltré quasiment toutes les sphères de la vie publique, les mairies, les hôpitaux, les cimetières et même les tribunaux, selon les experts.

Un chiffre d’affaires annuel de 50 milliards d’euros

Les autorités estiment à 150 le nombre de familles de la ‘Ndrangheta et à au moins 6 000 membres et associés en Calabre. Des milliers de plus ailleurs dans le monde, en Amérique du Sud et à New York notamment, pour un chiffre d’affaires annuel de 50 milliards d’euros, selon le procureur Gratteri.

Ces maxi-procès sont justifiés selon le parquet par l’étroite imbrication de nombreuses affaires, même si les avocats de la défense estiment que dans ces conditions il est difficile d’assurer à chaque accusé un procès juste et équitable. Les enjeux sont élevés pour Nicola Gratteri. « Si le procès n’aboutit pas à de nombreuses condamnations, il sera considéré comme un échec », estime Nicola Lo Torto, un des avocats de la défense.

Et même en cas de succès, la ‘Ndrangheta ne disparaîtra pas pour autant : « On peut jeter des mafieux en prison, mais si on n’arrache pas les racines à l’origine de leur existence, ils se reproduiront tout simplement », avertit Federico Varese, professeur de criminologie à l’université d’Oxford.

LQ/AFP

Des arrestations au Luxembourg en 2018 et 2019

Une vaste opération avait été menée le 5 décembre 2018  à travers l’Europe afin d’interpeller des personnes soupçonnées d’appartenir à la mafia calabraise ‘Ndrangheta. Au Grand-Duché, deux hommes, âgés respectivement de 23 et 39 ans, avaient été interpellés dans le sud du pays sur la base d’un mandat d’arrêt européen que les autorités italiennes avaient adressé au parquet luxembourgeois.

En 2019, Santo Rumbo, sous le coup d’un mandat d’arrêt européen, avait été arrêté le 9 août à Soleuvre. Quelques semaines plus tard, on apprenait que la Cour d’appel avait donné son feu vert le 17 septembre à la procédure de remise de ce membre présumé de la ‘Ndrangheta aux autorités italiennes.