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Incitation à la haine raciale : Pierre Peters échappe à la prison


Pierre Peters, 63 ans, a été condamné mardi par la Cour d'appel à une amende de 7 000 euros. (illustration Jean-Claude Ernst)

Le sexagénaire poursuivi pour incitation à la haine raciale a été condamné, mardi après-midi, par la Cour d’appel à une amende de 7 000 euros.

En octobre et novembre 2015, Pierre Peters (63 ans) avait distribué dans des boîtes aux lettres à Luxembourg, Mamer et Rumelange un dépliant intitulé «Allah Akbar, Miséricordieux, Oh Gott !» Sur le tract en question, on pouvait notamment lire le passage suivant : «Il n’y a absolument aucun doute que la destruction de notre pays est due à la masse d’étrangers. Nos droits sont de plus en plus amputés. (…) On nous impose des taxes de plus en plus élevées. Tout cela est dû à l’immigration des étrangers. Ils ont tout simplement besoin de trop (logements, électricité, eau potable, routes, écoles, infrastructures, etc.) et produisent en contrepartie énormément de déchets.»

Condamné le 26 mai 2016 à huit mois de prison ferme pour incitation à la haine à l’égard des étrangers vivant au Grand-Duché, le cofondateur de l’ancien parti d’extrême droite National Bewegung comparaissait, mi-novembre, devant la Cour d’appel. «Je n’ai pas eu de procès équitable, c’était un procès juste à charge. Les juges que j’ai eus jusqu’à présent avaient déjà écrit le jugement avant le procès.» Voilà les mots du sexagénaire à la barre. «Une chose était sûre, j’étais déjà condamné alors que je n’avais même pas encore mis un pied dans la salle», avait-il poursuivi.

Comme lors de son procès début mai, Pierre Peters avait prétendu que son tract n’était pas dirigé contre les étrangers, mais visait la politique d’immigration du gouvernement : «J’ai non seulement pensé aux politiciens et au gouvernement, mais également à Bruxelles qui nous dicte et impose tout.» «Au lieu de me répondre avec des arguments, on me poursuit et je dois aller en prison», avait-il conclu.

«On me reproche de la discrimination. Mais le fait que tous les jugements soient rédigés en français ne semble pas être une discrimination», avait par ailleurs estimé le prévenu à la barre de la Cour d’appel. Selon lui, les juges de première instance ont mal interprété et traduit ses textes luxembourgeois vers le français.

Ce n’était pas sa première affaire

Son avocate avait plaidé l’acquittement. «Son pamphlet ne vise pas les étrangers, mais la politique, avait considéré Me Marguerite Biermann. Il était convaincu de vivre dans un pays où les droits de l’homme et plus particulièrement la liberté d’expression sont garantis.» Dans sa plaidoirie, Me Biermann avait qualifié les peines prononcées contre son client de disproportionnées : «Je suis sidérée de voir avec quelle haine froide et automatismes ces juges ne lésinent pas sur les peines de prison.» Une attaque à laquelle le parquet général n’avait pas manqué de réagir par la suite. Mais aussi la présidente : «La Cour n’apprécie pas qu’on parle de magistrats haineux. Il y a des limites dans une plaidoirie.»

Pour le représentant du parquet général, il n’y avait pas de doute sur l’incitation à la haine. «Sur le tract, il rejette explicitement la faute de la destruction de notre pays sur les étrangers. Ce n’est pas une politique qu’on attaque, mais les étrangers eux-mêmes», avait soulevé l’avocat général Marc Harpes. «Cela suffit maintenant. Il a déjà eu plusieurs affaires. Une peine de prison ferme est appropriée. On est dans la récidive», avait-il martelé en requérant la confirmation du jugement de première instance. Ce n’est pas la première fois que Pierre Peters était jugé pour incitation à la haine. En 2012, il avait écopé de 30 mois avec sursis pour incitation à la haine raciale et outrage. Dans une deuxième affaire en 2013, il avait écopé de travaux d’intérêt général.

Dans son arrêt, la Cour d’appel a finalement remplacé la peine de prison ferme par une amende de 7 000 euros. Pierre Peters ne doit donc pas aller en prison.

Fabienne Armborst