Une mère comparaissait pour la deuxième fois devant la cour d’appel mercredi pour non-présentation d’enfant à son père. La jeune femme a été condamnée à une peine d’un an ferme en première instance.
Un adolescent de 14 ans pâtit des conséquences de l’échec de la relation entre ses parents. Sa maman, pour le protéger, refuse de le présenter à son père depuis bientôt trois ans. Ce dernier se déplace au domicile de la mère en vain et dépose plainte sur plainte. Plutôt que de laver leur linge sale en famille, père et mère se déchirent par avocats interposés devant différentes juridictions pénales luxembourgeoises. La mère, qui réside en France, va même jusqu’à porter l’affaire devant la justice française.
L’histoire judiciaire des anciens partenaires débute en 2011 en France. Le couple se sépare et une décision judiciaire fixe le droit de visite et d’hébergement à une semaine sur deux pour chacun des parents. Tout se passe a priori bien jusqu’à un soir de septembre 2018. Une dispute éclate entre l’enfant et son père : le père se serait montré violent avec l’enfant alors âgé de 12 ans qui aurait appelé sa maman à la rescousse. Depuis, celle-ci refuse que le garçon voie son père. Elle prétend que cette dispute n’est que la pointe d’un iceberg de violences justifiant qu’elle ne respecte pas les conditions du droit de garde.
«Il y avait une menace et elle existe toujours», a répondu la mère entendue mercredi à la barre de la cour d’appel à la présidente de la chambre qui s’étonnait qu’elle n’ait pas cherché à respecter les décisions de justice prises à son encontre jusqu’à présent. Elle voulait protéger son fils face à un père qui dit avoir tout mis en œuvre pour le revoir. Un premier procès a lieu en 2019 à la suite des plaintes répétées du père. Première instance, cour d’appel… La mère est une première fois condamnée à six mois de prison avec sursis et à une amende. La cour d’appel lui accorde ensuite la suspension du prononcé. En février 2020, elle était condamnée à un an de prison ferme par la 13e chambre correctionnelle pour des faits remontant à une période allant d’août à début décembre 2019. La mère a à nouveau fait appel de la décision de justice, mais n’aurait entre-temps pas pour autant respecté la décision judiciaire de 2011.
Un pas a cependant été franchi depuis ce début d’année et une décision de la justice française. Le père a le droit – et en profite depuis le mois de mars – de voir son fils une heure deux fois par mois lors de rencontres médiatisées. Tandis qu’un camp noircit l’image de l’autre, la cour essaye de comprendre pourquoi les deux parents ne sont pas en mesure d’agir dans l’intérêt de l’enfant à long terme, de trouver un terrain neutre pour permettre au père et au fils de renouer des liens qui leur éviteront de devenir des étrangers. «La cour d’appel avait insisté sur le fait que Madame devait faire des efforts et nous sommes encore ici», note l’avocate du père, qui s’est porté partie civile. Le conseil de la mère estime que «tout ce qui intéresse le père dans cette affaire est la peine de ma cliente» et qu’il est «obsédé par son envie d’écarter la mère». Il demande l’acquittement de cette dernière alors que court une procédure en parallèle en France où elle demande l’annulation des droits parentaux du père et une pension alimentaire.
«Il y a deux mauvais parents»
L’avocate général indique être chagriné par cette affaire et «ces procédures qui durent depuis la toute petite enfance» du jeune garçon. Pour elle, il s’agit d’une mise en hypothèque de son enfance, sa jeunesse et sa vie d’adulte. «Les choses ne sont pas noires ou blanches, il n’y a pas un bon parent et un mauvais parent dans cette affaire. J’irais même jusqu’à dire qu’il y a deux mauvais parents», estime l’avocate général, qui rappelle que la mère n’a porté plainte pour ces faits de violence que la veille des plaidoiries devant la cour d’appel en juin 2019. «Cela montre le peu de sérieux qui tient aux faits allégués, aux prétendues violences et prétendues négligences, poursuit-elle. Très peu d’efforts ont été fournis par Madame pour que le père puisse revoir son enfant, à part le fait d’avoir saisi le juge aux affaires familiales en France. (…) Il aurait dû y avoir d’autre démarches (…) mais rien n’a été fait jusqu’à ce que nous nous retrouvions en appel de la deuxième procédure du chef de non-représentation d’enfant où elle a réalisé qu’elle risquait de la prison ferme. Avant, aucune démarche constructive et positive n’a été effectuée de la part de la prévenue.» Le père aurait quant à lui entrepris une thérapie, seul, à défaut de pouvoir se lancer dans une thérapie familiale avec son fils. La défense a rejeté en bloc ces arguments et demande que l’enfant soit entendu. Comme l’a indiqué la présidente de la chambre, «on ne connaîtra jamais la vérité absolue» sur les faits de violence attribués au père.
L’avocate générale estime qu’une peine de prison ferme n’arrangera rien et ne fera que remonter encore plus l’enfant contre son père. Elle demande donc à la cour de réformer le jugement de première instance, même s’il était adapté, et requiert une peine de 9 mois de prison assortie du sursis probatoire sous condition que, cette fois, la maman respecte la décision prise en 2011 sur la répartition de la garde entre les deux parents.
La cour d’appel se prononcera le 26 juillet.
Sophie Kieffer