Vasile aurait torturé sa fiancée au point d’intenter à sa vie. Cette dernière aurait tenté de le couvrir en racontant «un scénario mal ficelé», selon le procureur pour qui la culpabilité du prévenu ne fait aucun doute.
Le 23 novembre 2018, Vasile aurait raccompagné Mina, sa fiancée, à son domicile de Senningerberg en bus avant de retourner en bus à Luxembourg retrouver un ancien collègue de travail. Il aurait passé la soirée avec lui et d’autres hommes à boire des verres. Il l’aurait quitté vers 3 h, mais aurait seulement repris le bus vers 11 h le lendemain pour retourner chez sa fiancée. Il se serait endormi dans le bus et en serait descendu au terminus à quelques mètres du domicile. Il serait ensuite rentré par l’arrière du bâtiment que le couple squattait et aurait découvert sa future femme gisant ensanglantée sur le lit dans la chambre à coucher. Sous le choc, il n’aurait dans un premier temps pas prévenu les secours, raconte-t-il à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal de Luxembourg.
Mina l’aurait prié de ne pas avertir les secours pour éviter les ennuis avec la justice étant donné qu’ils occupaient le logement illégalement. Remarquant qu’elle perdait conscience, il aurait prévenu l’ambulance deux heures après l’avoir découverte. Il aurait demandé le numéro des urgences à un taxi. La juge hausse le ton : «Son état était catastrophique et vous attendez si longtemps ! Et vous prenez le temps de vous changer !» Le prévenu ne se souvient pas d’une raison exacte à ces gestes. Il évoque une situation de stress extrême pour tenter de se dédouaner. Son amie lui aurait dit que deux hommes parlant une langue qui pouvait être du russe avaient fait irruption dans la maison et l’avaient passée à tabac. «Je la pensais en sécurité», indique le trentenaire.
Problème, des caméras de surveillance ont filmé le couple devant la maison. «Il est rentré dans la maison avec sa fiancée et n’en est jamais ressorti. Les caméras n’ont filmé personne d’autre parce qu’il n’y avait personne d’autre !», assène la présidente de la 9e chambre criminelle. Ce n’est pas le seul élément qui joue en défaveur de Vasile. Son sang et son ADN ont été retrouvés sur un réchaud et des câbles qui auraient été utilisés pour fouetter la jeune femme. Il dit les avoir pris en main sous le choc sans réfléchir après avoir donné un coup de poing dans le mur. «Je m’en voulais d’être parti et de l’avoir laissée seule, note-t-il. Elle m’a dit que les hommes les avaient utilisés pour la frapper.» Curieusement, aucun autre ADN à part ceux du prévenu et de la victime n’a été retrouvé sur les objets. «Je ne sais pas… Les deux hommes étaient peut-être bien préparés», tente le jeune homme en se passant la main sur le visage. La juge lui demande s’il a déjà frappé son amie avant ? «On se dispute mais je ne l’ai jamais frappée», jure-t-il. La juge sort un procès-verbal datant d’un mois avant les faits. Il lui aurait mis deux gifles qui auraient occasionné un coquard.
Le jeune homme se débat. «Pourquoi resterait-elle avec moi si j’avais vraiment fait ce qu’on me reproche d’avoir fait ?», lance-t-il. «C’est ce qu’on aimerait savoir !», rétorque la présidente, glaciale. D’autant qu’il ne serait pas un tendre. Il aurait déjà été condamné pour violences domestiques à 9 mois de prison ferme en 2014 en Espagne. «Il se peut que j’aie été condamné par défaut en Espagne. J’ai quitté le pays en 2012. Je bougeais beaucoup», explique le prévenu. Au fond de la salle d’audience, la jeune femme sanglote à l’évocation de leur rencontre.
«Une expédition punitive préméditée»
L’avocat de Vasile plaide l’acquittement. Il évoque «une expédition punitive préméditée» et «un huis clos terrible» au terme desquels le prévenu a sauvé la vie de sa compagne malgré «la peur d’être soupçonné à tort» que connaîtraient «les marginaux qui n’ont pas le même rapport aux autorités que nous». Pour lui, la prévention de tentative d’homicide ne peut être retenue contre le prévenu. Les auteurs – des Polonais ou un ex de la jeune femme – peuvent avoir porté des gants étant donné les températures hivernales et n’avoir pas laissé d’ADN sur les lieux, contrairement au prévenu qui avait l’habitude de manipuler ses effets personnels. Mina aurait, de plus, toujours été constante dans ses déclarations pour le disculper.
Des déclarations «peu crédibles», juge le ministère public qui conclut à la culpabilité du prévenu. «Son alibi n’est corroboré par aucun élément objectif», estime le procureur. Les preuves et les indices fournis par les caméras de surveillance, les traces d’ADN et les circonstances de l’appel aux secours seraient accablants. Le prévenu se serait «acharné et a infligé des actes de torture» à la victime qui aurait riposté, ce qui expliquerait les griffures au visage du prévenu. Cela n’aurait pas été la première fois que le couple en venait aux mains, pourtant la victime aurait inventé un scénario «mal ficelé» pour couvrir son compagnon violent. Selon le procureur, son comportement serait typique de celui des femmes battues.
Le magistrat ne retient pas les chefs d’inculpation de séquestration, d’enlèvement et de tentative d’homicide – la finalité aurait été de maltraiter la victime et pas de la tuer, selon lui –, mais celle de coups et blessures volontaires aggravés. Il requiert une peine de 5 ans de prison ferme et s’oppose à un sursis. Le prononcé aura lieu le 6 octobre.
Sophie Kieffer