Les propos élogieux des deux témoins de la défense ne sont pas parvenus à éclipser le témoignage glaçant de la victime présumée de Liviu, qui apparaît comme « un homme dangereux ».
Stéphanie avait 22 ans en avril 2017 quand elle a rencontré Liviu, qui a le double de son âge, dans un avion. Dès leur premier rendez-vous, elle aurait ressenti de la crainte envers lui, témoigne-t-elle en ce vendredi matin à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Pourtant, la jeune fille a poursuivi la relation. Il a été sympathique jusqu’au 21 juin 2017. «Il a explosé pour un rien», se souvient Stéphanie, qui raconte d’une toute petite voix les violences qu’elle aurait subies et comment il se serait excusé et aurait pleuré. Dans la dispute, il lui aurait brisé un os de la main.
Le comportement du prévenu n’aurait pas changé pour autant, même s’il le lui aurait promis à plusieurs reprises. Stéphanie dit avoir eu de plus en plus peur. Elle se serait rendu à la police pour se renseigner et le lui aurait dit. «J’avais de la compassion. Je pensais qu’il allait arrêter», indique la jeune femme. «Pourquoi ne pas avoir mis un terme à la relation ?», interroge la présidente de la 13e chambre criminelle. «J’ai été bête. Je l’ai cru», répond-elle. L’été passe. Le couple ne se voit pas beaucoup. «Il ne m’a plus rien fait physiquement, mais il m’a manipulée», raconte Stéphanie. «Je devais lui parler de moi, mais lui ne disait jamais rien de lui.»
«Quand je n’étais pas du même avis que lui, cela dérapait», poursuit Stéphanie. Elle raconte comment il l’aurait attrapé par les pieds, mis la tête en bas et secoué. «Cela le faisait rire !» Après les disputes, il la forçait, dit-elle, à se réconcilier avec lui sur l’oreiller. «Il tenait mes deux mains au-dessus de ma tête dans une de ses mains. (…) Je me débattais et cela faisait de plus en plus mal. Du coup, j’ai abandonné…» Sa voix se brise. Les viols s’accumulent selon elle, les disputes aussi. Stéphanie, envahie par la peur, n’ose pas mettre un terme à la relation. Elle dit avoir tout fait alors pour éviter les conflits. Pas assez.
Liviu persistant dans son attitude passive-agressive, elle s’est, raconte-t-elle, sentie de plus en plus piégée. «Une femme doit lui donner de l’attention. Il n’y a rien de pire pour lui qu’une femme qui l’ignore.» Le long témoignage de Stéphanie est accablant. Liviu y révèle une nature de tyran domestique. Lors d’un week-end à Colmar, après de nouvelles humiliations et accès de violence, elle dit avoir finalement pris conscience qu’elle n’était pas «la première ni la dernière femme à être maltraitée» par le prévenu. Une révélation qui lui donne la force d’agir. «Il pleurait, mais il ne regrettait rien», indique la jeune femme. «J’étais à bout.» L’ex-épouse du prévenu confirme ses doutes au téléphone.
Petit à petit, Stéphanie sort de l’emprise, reprend confiance et finit par déposer plainte à la police fin janvier 2018, la peur au ventre. Liviu n’aurait rien lâché, aurait tiré les mêmes fils, joué avec la peur jusqu’à la fois de trop. La jeune femme lui aurait envoyé un message lui demandant de la laisser tranquille. «C’est un homme dangereux. Il n’a jamais été question que je l’épouse», confirme-t-elle. Le prévenu avait indiqué qu’elle lui aurait fait du chantage au mariage en le menaçant d’aller se plaindre à la police s’il ne l’épousait pas.
Un homme «poli et romantique»
Tout le contraire du Liviu que connaît son meilleur ami depuis quinze ans. «Il n’a jamais été agressif en ma présence.» «Ce qui confirme ce que le psychiatre avait dit la veille sur les changements brusques de comportement uniquement avec les femmes», a commenté la présidente de la chambre criminelle. «J’ai été surpris d’apprendre qu’il était en détention préventive parce qu’il avait des problèmes avec les femmes», témoigne l’homme qui affirme n’avoir jamais connu les vraies raisons du divorce de son ami, ni même avoir su qu’il avait déjà été entendu par la police par le passé pour des faits similaires avec d’autres jeunes femmes.
Une de ses anciennes petites amies décrit un homme «calme et contrôlé», «un très bon père de famille, très dévoué», ce qui l’aurait rassurée. Liviu ne se serait jamais montré agressif ou impulsif envers elle. Au contraire, «il était très poli et très romantique» pendant toute la durée de leur relation. «Je sais que c’est une bonne personne et que ce qui s’est passé est un malentendu», a-t-elle poursuivi sans réellement savoir ce qui l’amenait face à la justice. «Je n’ai pas voulu entrer dans les détails et porter de jugement. Je lui fais confiance.» Et de continuer à brosser un portrait élogieux du prévenu tout en se jetant des roses au passage, estimant qu’elle devait être «spéciale» pour qu’il ne se soit pas mal comporté avec elle.
De la poudre aux yeux pour la présidente de la chambre criminelle qui conclut l’audience en prévenant que «les deux témoins de la défense ne font pas disparaître les autres témoins du dossier», c’est-à-dire les «quatre femmes qui racontent sensiblement la même chose» au sujet de Liviu.
Le procès se poursuit mardi avec le témoignage du prévenu, le réquisitoire du parquet et la plaidoirie de l’avocat de la défense.