«Une affaire peu commune du point de vue des faits et de la personnalité du prévenu» a occupé ce lundi la 7e chambre correctionnelle de Luxembourg, de l’aveu même de l’avocat de Jean.
Jean a 40 ans et des loisirs hors du commun. Il collectionne tout ce qui se rapporte à la Deuxième Guerre mondiale, principalement des armes, et fait pousser du cannabis à son domicile. Sa famille aurait découvert ses loisirs alors que Jean avait demandé à être interné dans une unité psychiatrique d’un hôpital en janvier 2018.
Il était passé maître dans la culture du cannabis, maîtrisait les dosages en THC, la richesse des sols… Polytoxicomane, il voulait s’assurer de la qualité du cannabis qu’il consommait. Il n’en vendait que très rarement à des amis, affirme-t-il. Seulement, cultiver de la drogue est interdit par la loi. Un peu plus d’un kilogramme de cannabis a été trouvé par la police, dont, explique son avocat, à peine 200 grammes de fleurs. Le reste étant des tiges ou des feuilles. Aujourd’hui, il aurait, de son propre aveu, considérablement réduit sa consommation de stupéfiants.
La combinaison de ces deux passions a eu de quoi inquiéter les enquêteurs. Pourtant, ce lundi, à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal de Luxembourg, Jean a laissé entendre détenir les armes par plaisir de les collectionner et pas pour nuire à autrui. «J’avais rarement les bonnes munitions et toutes les armes ne fonctionnaient plus», a indiqué Jean, qui n’a pas de port d’armes. La plupart étaient démilitarisées ou cassées. Selon un enquêteur, il y avait des grenades, des fusils et des mitraillettes, entre autres. «Ce n’était pas un secret. Tout le monde savait que je collectionnais ces armes. Les gens m’en apportaient même», précise le jeune homme. Il a également complété sa collection sur les marchés, au centre de recyclage de sa ville et dans les bois théâtre de combats qu’il sillonnait avec un détecteur de métaux. Les armes ont été saisies et entreposées par le service de déminage de l’armée, mais Jean ne désespère pas de pouvoir un jour reprendre sa collection.
Altération du discernement
Le quadragénaire n’a pas conscience de contrevenir à la loi en s’occupant de ses plantes et en admirant sa collection. Jean est schizophrène et, d’après son avocat, il ne comprendrait pas la portée d’une peine prononcée par un tribunal et son lien avec ses deux passions. Un expert psychiatre a été mandaté pour déterminer si Jean était pleinement en possession de ses moyens. Il rapporte des bribes d’entretiens qu’il a eus avec le jeune homme. Ce dernier serait entre autres persuadé qu’on lui aurait implanté un appareil dans la tête pour le diriger à distance et qu’en parcourant son crâne de ses doigts, il peut sentir les fils de l’appareil. Il pense également que les gens lui pompent son énergie pour guérir de leurs maladies.
Le médecin évoque une schizophrénie paranoïde avec des éléments de persécution, d’où la vie relativement isolée du monde que Jean mène chez ses parents. La consommation de drogues pourrait avoir accéléré le développement du trouble mental dont il souffre. Un trouble en latence pendant son adolescence. L’expert se montre réservé quant à l’issue positive d’un traitement étant donné l’âge de Jean, qui aurait déjà interrompu de précédents traitements. L’expert estime que la responsabilité pénale de Jean est amoindrie, mais qu’elle n’est pas pour autant annihilée en permanence.
«Jean présente une altération du discernement, mais il est toutefois accessible à une peine pénale, résume son avocat, même s’il n’est pas en capacité de comprendre le principe de la punition.» Des travaux d’intérêt général pourraient mieux lui convenir qu’une peine de prison, plaide l’avocat. Jean pourrait ainsi retrouver le goût de partager des activités avec d’autres personnes et d’avoir une activité professionnelle. Lui qui est sans emploi pourrait remettre le pied à l’étrier.
La représentante du parquet n’est pas de cet avis. Selon elle, il risque d’interrompre ses travaux d’intérêt général quand ils ne l’amuseront plus, comme il a déjà interrompu ses précédents traitements. Elle se prononce en faveur d’une peine de six mois de prison assortie du sursis probatoire avec une obligation de soins, ainsi que d’une amende.
Jean sera fixé sur son sort le 1er juin.
Sophie Kieffer