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Home-jackings au Luxembourg : le duo parisien se défend à la barre


Depuis leur extradition en 2018, les deux prévenus sont en détention préventive à Schrassig. Leur procès se poursuit lundi. (Photo : Fabienne Armborst)

Arrêté à Paris, le duo conteste haut et fort avoir participé à plusieurs home-jackings et cambriolages en 2017. S’il a été vu au Luxembourg, c’était pour les cigarettes, clame celui qui a été entendu vendredi par la chambre criminelle.

«Je viens presque tous les week-ends pour acheter des cigarettes détaxées afin d’arrondir mes fins de mois. En France, une cartouche coûte 100 euros, au Luxembourg 53 euros.» Qu’on le voie le 25 novembre 2017 sur les caméras de vidéosurveillance du City Concorde n’étonne guère Bilal H. (35 ans). C’est bien lui qui est au volant de l’Audi A3 grise qui s’engouffre derrière le couple d’octogénaires dans le parking du centre commercial à Bertrange, ce samedi peu avant midi. Il l’a confirmé vendredi matin à la barre. Mais pour le reste, il estime que les enquêteurs luxembourgeois font fausse route.

S’il a été aperçu en compagnie de Yassine E. (36 ans) dans la galerie marchande, c’est parce qu’ils faisaient les boutiques à l’occasion du Black Friday. Et non pour prendre en filature les époux et les attaquer en fin d’après-midi à leur domicile à Luxembourg-Belair. «On en a profité pour voir s’il y avait des vêtements. Il n’y avait rien. On est donc allés à la Belle Étoile…» C’est là qu’ils auraient fini par trouver leur bonheur, poursuit Bilal H.

Le Luxembourg… ce n’est pas la porte à côté quand on vit à Paris. Mais visiblement, il n’y avait pas que les cigarettes. «À la base, j’ai une petite amie à Thionville», embraye le trentenaire. En gros, quand il passait à Thionville, il en profitait pour venir au Luxembourg. Pourquoi donc sans son portable? C’est en effet ce qui ressort de l’enquête. Leurs portables semblaient toujours rester à Thionville. En tout cas, ils n’ont jamais borné au Luxembourg. Ce 25 novembre 2017 non plus. Pour Bilal H., cela n’a rien d’étonnant. Ils ne voulaient tout simplement pas faire exploser leurs factures de téléphone. «Quand on passe la frontière, l’appareil se met en hors forfait. Les portables restaient donc en France.»

«J’ai deux vies : les femmes et les montres»

16 h 49, c’est l’heure à laquelle le portable borne à Thionville, soit vingt petites minutes après le home-jacking à Belair. Impossible qu’ils aient donc rallié la Lorraine si rapidement : «Même en hélicoptère, c’est impossible», insiste le prévenu. Et d’ajouter : «Toute la synthèse des enquêteurs est à charge. Ils prennent juste les bornages de téléphone qui les arrangent après nous avoir vus au City Concorde.»

Mais il y a aussi l’Audi A3 qui a été aperçue dans les environs d’autres lieux de cambriolages. C’est un élément supplémentaire qui a permis aux enquêteurs de relier le duo à d’autres faits perpétrés à l’automne 2017. Impossible, se défend Bilal H. «Je ne suis venu qu’une seule fois avec cette voiture au Luxembourg. Après, elle avait un problème…» Et les images des caméras captées la nuit lors du cambriolage d’une maison à Strassen? «Je ne me reconnais pas du tout.»

«J’ai deux vies : les femmes et les montres», s’exclamera Bilal H. quand la présidente le confrontera finalement à la photo de la montre Patek Philippe Calatrava avec un cadre en or… découverte dans son portable. Le modèle correspond à celui qui a été dérobé lors du home-jacking le 17 décembre 2017 à Strassen. Mais pour le prévenu, ce n’est pas une preuve qu’il ait eu la montre entre ses mains. Ce que les enquêteurs auraient oublié de mentionner, c’est qu’à l’époque, son portable renfermait quelque 300 photos de montres. «J’adorais les montres, mais je n’ai pas les moyens.»

Accent nord-africain ou accent parisien?

Bilal H. profitera de ses derniers instants à la barre pour interroger la chambre criminelle. «Imaginez qu’il y ait un mur entre nous. Est-ce que vous entendez que je suis nord-africain?» La victime du premier home-jacking à Hesperange le 28 janvier 2017 avait en effet indiqué que les auteurs avaient un tel accent… La présidente ayant indiqué qu’elle ne répondrait pas à cette question, c’est le second prévenu Yassine E. qui s’est manifesté depuis le banc des prévenus : «C’est un accent parisien…»

Lui aussi conteste l’ensemble des faits. Pour le premier home-jacking, il n’est toutefois pas poursuivi. Car il a un alibi : il était bien en prison. À la différence de Bilal H., il n’avait pas de permission de sortie ce week-end là. La 13e chambre criminelle l’entendra sur les six autres faits lundi matin lors de la suite du procès. Dès vendredi, son avocate Me Nadia Moussif a donné le ton. L’avocate au barreau de Paris a parlé de «rapprochements fallacieux». Elle n’est pas d’accord avec certaines conclusions des enquêteurs luxembourgeois qui se sont appuyés sur des rapports français de la Brigade de répression du banditisme (BRB). «Je pense que ce PV, on peut le déchirer car il ne tient pas la route», a-t-elle ainsi dit en brandissant un document. Et elle en a fait la démonstration devant les juges.

Fabienne Armborst

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