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Henda Ayari, celle par qui l’affaire Ramadan a éclaté


Henda Ayari a porté de lourdes accusations à l'encontre de Tariq Ramadan, islamologue controversé (photo: AFP)

Plus d’un mois après sa plainte pour viol contre l’islamologue suisse Tariq Ramadan, l’ex-salafiste Henda Ayari est « déterminée à continuer son combat » pour la libération de la parole des musulmanes, malgré « insultes » et « menaces ».

C’est le scandale Weinstein qui a poussé cette femme à saisir la justice contre le petit-fils du fondateur de la confrérie islamiste des Frères musulmans. « Je me suis dit: ‘Mais moi aussi, j’ai envie de donner son nom!' », confie-t-elle.

Elle le fera sur sa page Facebook le 20 octobre. Le jour même, elle porte plainte pour « viol, agression sexuelle, violences, harcèlement et intimidation » contre Tariq Ramadan, 55 ans, visé depuis par la plainte d’une seconde femme. Des accusations que l’intéressé récuse, en dénonçant une « campagne de calomnie ».

Passé le « vertige » de la plainte et la « panique » face aux « pressions », Henda Ayari, frêle jeune « quadra » – elle aura 41 ans le 4 décembre -, s’est sentie comme « libérée d’un fardeau ».

« Quand vous reconnaissez devant le monde entier que vous avez été victime de quelque chose de grave, c’est la première étape vers la réparation psychologique », fait-elle valoir.

Le récit de sa vie résonne comme une litanie de souffrances. Née du « mariage forcé » d’un couple algéro-tunisien, Henda Ayari décrit une « enfance très dure » dans une banlieue « sensible » de Rouen, entre « abandon » paternel et « maltraitances » maternelles.

La vingtaine venue, la religion sera son refuge : « La rencontre avec l’islam a été source d’apaisement ».

Mais la jeune femme rencontre aussi une salafiste, et le « petit foulard blanc » porté coquettement sur les bancs de la fac se transforme bientôt en jilbab (voile long) et en niqab (couvrant même le visage).

Henda Ayari épouse un adepte de cet islam prétendument authentique, déménage à Roanne (Loire). « Quand j’ai compris que j’étais enceinte, le piège s’est refermé sur moi. J’étais dans ce que j’appelle une secte ».

Elle en sort neuf ans plus tard mais, entre « précarité » et « dépression », perd momentanément la garde de ses trois enfants. C’est alors qu’elle a « la mauvaise idée » d’entrer en contact avec Tariq Ramadan via les réseaux sociaux, en quête de conseils. « Je me disais: ‘Voilà l’islam que je veux, l’islam modéré' ».

« Sous emprise »

La suite, Henda Ayari l’a racontée il y a un an dans un livre, « J’ai choisi d’être libre » (Flammarion), mettant en scène Tariq Ramadan sous le pseudonyme de Zoubeyr : une rencontre dans l’hôtel parisien où le prédicateur était descendu, au printemps 2012, en marge d’une conférence.

« Je me suis dit ‘Ça va être chouette, on va discuter’. Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé ».

Après ce qu’elle décrit comme un viol, la jeune femme reste cependant en contact avec Tariq Ramadan jusqu’en juin 2013, ce que la défense de l’islamologue n’a pas manqué de relever. Par peur des représailles sur ses enfants, assure-t-elle. « J’étais sous emprise ».

Les bons connaisseurs de Tariq Ramadan ne tardent pas à le reconnaître entre les lignes. Certains de ses détracteurs proposent à l’auteure de « l’argent » pour qu’elle sorte du bois. « Je ne voulais pas faire d’argent, je ne voulais pas porter plainte, je n’étais pas prête ».

Mais aujourd’hui, « la peur de la justice et la honte doivent changer de camp », souligne Henda Ayari.

« Une amie m’a dit ‘Tu m’auras contre toi. Tu as touché à notre seul porte-parole, qui savait parler mieux que les autres' ». Elle, « musulmane laïque », est convaincue que les femmes « ont un vrai rôle à jouer dans la reconstruction d’un islam de paix ».

C’est le sens de son engagement à la tête de l’association Libératrices, fondée en 2015 et toujours active, malgré « zéro moyen ».

« Je suis déterminée à continuer mon combat, malgré les insultes », prévient-elle. Contre les injures, les « menaces » qu’elle a reçues ces dernières semaines, Henda Ayari a porté plainte le 16 novembre : « J’estime que je n’ai pas à être victime une seconde fois ».

Le Quotidien/ AFP