Une famille se déchire autour d’un grand-père suspecté d’avoir commis des attouchements sexuels sur sa petite-fille. Deux camps se sont formés autour des protagonistes.
Un grand-père de 86 ans comparaît face à la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour attentat à la pudeur. «Pendant un certain temps», il aurait commis des attouchements sexuels sur sa petite-fille, profitant de la sieste ou de l’absence du domicile de la grand-mère. Il aurait eu l’habitude d’embrasser l’enfant et de procéder à des attouchements sur son corps ou de frotter son sexe contre lui.
Le 23 avril 2019, la petite fille de 9 ans se confie à ses parents, qui tirent la sonnette d’alarme. On est samedi. Tous deux travaillent. Par conséquent, la victime présumée et son frère doivent aller chez les grands-parents paternels. La petite pleurait dans la salle de bains. Elle ne voulait pas y aller. Elle avait déjà tenté de prévenir son père un an plus tôt, mais il ne l’aurait pas cru. À l’époque, la gamine aurait souvent menti.
Le grand-père nie les faits. Il n’aurait jamais agressé sexuellement sa petite-fille. Il lui aurait juste fait des câlins et se serait occupé d’elle de la même manière qu’il l’aurait fait avec ses quatre enfants et ses autres petits-enfants. La gamine mentirait. Une de ses tantes et son époux auraient raconté à une enquêtrice du service de la protection de la jeunesse de la police que la victime présumée avait beaucoup d’imagination et avait pu raconter cette histoire pour attirer l’attention.
Pour s’être exprimée, la victime présumée serait aujourd’hui exclue par la famille. Les trois autres enfants du prévenu et son épouse ne le croient pas capable de tels gestes. Aucun autre de ses petits-enfants ne se serait jamais plaint de tels actes. La petite aurait peur, confie sa maman à la barre. Elle serait suivie par un psychologue. «Pour moi, il doit être puni. C’est tout!», a-t-elle lancé froidement après que la juge lui eut demandé si elle voulait se constituer partie civile.
«Je n’ai jamais rien remarqué de particulier», indique le père de la victime présumée et fils du prévenu, interrogé par la présidente de la chambre criminelle sur le comportement du grand-père envers sa petite-fille lors des fêtes de famille. Une autre des petites-filles du prévenu, convoquée par la défense, explique «avoir toujours eu des relations comme elles doivent l’être» avec ses grands-parents et avec son grand-père en particulier.
Un père très pudique
Lors de l’enquête, la petite-fille raconte également que son grand-père lui aurait souvent donné des coups de pantoufle, de bâton ou de ceinture. Son frère et sa cousine auraient été épargnés, même si la victime présumée assurerait le contraire. La cousine aurait indiqué aux enquêteurs que le grand-père se serait souvent énervé sur la victime présumée et moins sur eux. Les versions des trois cousins divergent. La petite se serait confiée sur les faits dans son journal intime. Sa maman aurait transmis le passage à l’enquêtrice.
Un expert psychologue a du mal à estimer si la victime présumée est bien crédible. Décrite comme impulsive, énergique avec une tendance à l’affabulation, elle n’aurait pas accusé son grand-père pour obtenir de l’attention ou se venger des coups reçus et n’aurait pas non plus été influencée par ses parents. Ses témoignages seraient constants. Malgré tout, il serait, selon lui, «difficile de déterminer avec certitude la crédibilité de la victime présumée, ce qui ne signifie pas que rien du tout ne s’est passé».
Quant au grand-père, il ne présenterait pas de fixation pédophile, estime un expert en neuropsychiatrie. Les agressions dénoncées par sa petite-fille pourraient résulter d’un comportement pouvant être induit par un début de démence qui entraînerait une désinhibition sur le plan sexuel. La défense, en appelant le deuxième fils du prévenu à témoigner à la barre, a voulu démontrer que le comportement qui lui est reproché est inhabituel de sa part. L’homme d’une cinquantaine d’années évoque un père très pudique.
Deux camps se dessinent au sein de cette famille et la souffrance est palpable de part et d’autre. Le silence est pesant après les sanglots. Au milieu, il y a une petite fille, dont le témoignage sera diffusé cet après-midi, qui a peur que son grand-père aille en prison et à qui sa grand-mère manque énormément.
Sophie Kieffer