Lundi, le parquet général a demandé la confirmation des peines prononcées en première instance contre le trio résidant aux Pays-Bas poursuivi pour avoir chapeauté ce réseau de trafic d’héroïne.
Le premier déclare être venu au Luxembourg uniquement pour «jouer au foot» et «faire la fête». Le deuxième dit avoir prêté sa Mastercard sans savoir qu’elle servirait à la logistique d’un trafic de drogue. Et le troisième, poursuivi pour avoir détenu le fameux «Golden Number», prétend avoir découvert le Grand-Duché à Schrassig. Condamné en première instance pour avoir chapeauté un important réseau de trafic d’héroïne entre septembre 2017 et fin avril 2018, le trio avait décidé de se défendre devant la Cour d’appel. La 12e chambre correctionnelle a retenu la circonstance aggravante qu’il avait agi au sein d’une association de malfaiteurs.
«Je n’ai rien à voir dans tout cela», s’était exclamé Kevin S. à la barre à l’ouverture de leur procès, il y a deux semaines. Il n’est pas d’accord avec le fait qu’on l’ait condamné pour avoir été le «chef» et détenteur du fameux numéro qui aboutissait à une sorte de «centrale d’achats». L’opérateur du «Golden Number», géolocalisé principalement aux Pays-Bas, recueillait appels et messages des toxicomanes luxembourgeois. Ces derniers étaient ensuite informés du lieu et de l’horaire de la transaction. Pour communiquer et coordonner les livraisons des commandes avec les revendeurs de rue à son service au Luxembourg, un numéro néerlandais était utilisé.
«Il n’est pas celui pour lequel on l’a pris», a martelé son avocat, Me Roby Schons, lundi après-midi plaidant l’acquittement. «Le doute le plus léger doit profiter au prévenu.» Mais la partie poursuivante ne croit pas en ces «malencontreux hasards» : «Il y a des indices graves que Kevin S. était bien détenteur du „Golden Number“», a estimé la représentante du parquet général dans son réquisitoire. Elle constate ainsi que le «Golden Number» a été repéré 221 fois à 80 m du domicile de sa mère à Rotterdam et 557 fois à proximité de celui de sa copine.
«La personne au bout du fil ne va pas sur le terrain»
L’enquête avait également observé un certain nombre de déplacements du «Golden Number» vers le Cap-Vert en passant par le Portugal. Les listes de passagers de différentes compagnies aériennes avaient été épluchées : «Kevin S., c’est le seul passager qui était toujours sur tous les vols», retient la représentante du parquet général. «Est-ce qu’il était le seul chef de l’organisation?» Cela, elle ne peut pas le dire. Elle ne manquera toutefois pas de soulever le «système extrêmement bien organisée par rapport à d’autres dossiers» : «La personne au bout du fil ne va pas sur le terrain, difficile donc de l’identifier.» Toujours est-il qu’en tant que détenteur du «Golden Number», Kevin S. aurait été celui qui donnait les ordres.
Les deux autres prévenus, le parquet général les place au deuxième étage de cette organisation pour s’être occupés de la logistique et la surveillance des vendeurs de rue. «J’ai été envoyé au Luxembourg pour contrôler d’autres personnes», avait lâché Ilman M. lors de son audition à la police. Une phrase cruciale, note le parquet général qui ne croit donc pas qu’il descendait juste au Grand-Duché pour faire la fête. «Il a, par ailleurs, été reconnu par neuf consommateurs.»
Ulrich B., pour sa part, est poursuivi pour avoir été le «support organisationnel» en charge notamment de la réservation des chambres d’hôtel et de la location des véhicules servant à l’approvisionnement de la drogue. Le parquet général n’est pas d’accord avec ses explications à la barre : «Ce n’est pas simplement un pauvre type qui met à disposition sa Mastercard sans savoir ce qu’il fait. Il apporte les moyens logistiques pour l’organisation!»
Prononcé le 9 décembre
En première instance, Ulrich B. et Ilman M. avaient écopé de 6 ans de prison et 3 000 euros d’amende. Si le premier avait pu bénéficier d’un sursis de deux ans, tel n’était pas le cas du second à cause d’une affaire de drogue remontant à 2014 et inscrite dans son casier judiciaire. «Les peines de prison prononcées en première instance sont plus qu’adéquates», a estimé la représentante du parquet général, hier. Elle demande aussi la confirmation de la peine prononcée contre Kevin S., c’est-à-dire 8 ans de prison, dont 2 avec sursis, et une amende de 5 000 euros. Les trois hommes se trouvent actuellement à Schrassig.
La Cour d’appel rendra son arrêt le 9 décembre. À la suite de l’enquête menée par le SREC Esch, sept hommes avaient atterri sur le banc des prévenus. Les quatre identifiés comme simples revendeurs n’ont toutefois pas interjeté appel.
Fabienne Armborst