La loi sanitaire est dure, mais c’est la loi. Sauf pour Freitag et Jacoby. Du moins tant que la Cour constitutionnelle ne statuera pas sur sa conformité à la Constitution.
Ce n’est pas à la justice de juger du bien-fondé des mesures sanitaires, a rappelé le procureur dans son réquisitoire ce mardi matin. Peter Freitag et Jean-Marie Jacoby comparaissaient face au tribunal de police de Luxembourg pour avoir contrevenu à plusieurs reprises à ces mesures lors de rassemblements à la Kinnékswiss à Luxembourg ainsi qu’au règlement général de police de la Ville de Luxembourg entre le 23 janvier 2021 et le 30 octobre 2021.
Pourtant, à écouter les plaidoyers et les moyens avancés par Peter Freitag et Jean-Marie Jacoby, on avait davantage l’impression d’une accusation que d’une défense.
Car si les deux acolytes se sont retrouvés face au tribunal de police de la justice de paix, ce serait à cause de lois sanitaires absurdes et liberticides ainsi que des médias, à la solde de l’État, qui ne refléteraient pas suffisamment les opinions de leur mouvement – ou de leur mode de vie spirituel quand il s’agit de s’abriter derrière la liberté de culte pour se dépatouiller.
Privés de cette tribune et de débats contradictoires, les deux prévenus auraient été contraints de créer eux-mêmes les occasions pour partager leurs messages dans l’intérêt de la santé publique et marquer leur désaccord.
C’est ainsi qu’ils se sont lancés dans les polonaises solidaires et les séances à micros ouverts dès le début de la pandémie. Et n’auraient pas l’intention de s’arrêter. «Je continuerai à ne pas respecter les lois tant que leur constitutionnalité n’aura pas été prouvée et qu’il n’y aura pas eu de débat public contradictoire», a lancé Peter Freitag à la barre.
Le parquet leur reproche une douzaine de faits, dont celui de ne pas avoir porté le masque ni respecté les distanciations sociales, ainsi que d’avoir fait usage d’une sonorisation dans les rues de la capitale sans y avoir été autorisé.
Peter Freitag aurait également été surpris alors qu’il n’aurait pas respecté le couvre-feu et aurait bu une bière – Corona – quand la consommation d’alcool dans les lieux publics était interdite. Deux mesures retirées depuis par le gouvernement n’ayant pas prouvé leur efficacité, s’est défendu le quadragénaire qui a eu du mal à comprendre qu’on ne leur interdisait pas de manifester. Le parquet a requis des amendes appropriées à leur encontre. Eux, ont demandé l’acquittement.
Le droit à la santé
Les prévenus ne contestent pas les faits, ils contestent la loi et les mesures sanitaires et se placent en sauveurs de la nation face à un gouvernement qui, avancent-ils, pratiquerait de l’expérimentation médicale sur la population en l’obligeant à porter un masque.
Masque qui, selon Jean-Marie Jacoby, serait parfaitement inutile – les particules du virus traverseraient les fibres – et dangereux, car ils priveraient les porteurs d’oxygène et contribueraient au développement de bactéries. «Le gouvernement n’a pas le droit de forcer sa population à nuire à sa propre santé», a-t-il avancé, invoquant le droit à la santé et comparant «en pire» le gouvernement au Dr Mengele.
Gouvernement auquel serait aussi inféodé le système judiciaire, selon les deux prévenus qui demandent au tribunal de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle avant de rendre son jugement pour connaître la conformité des lois sanitaires par rapport à la Constitution luxembourgeoise.
Peter Freitag et Jean-Marie Jacoby aimeraient faire valoir leurs droits naturels. Un argument rejeté par le représentant du parquet qui a estimé que les prévenus ne doivent pas perdre de vue qu’outre le droit à la vie et à la liberté qu’ils évoquent, l’État se doit également de garantir un droit à la santé aux citoyens et qu’il convient, dans un État de droit, de ménager un équilibre entre le droit à la liberté et le droit à la santé.
La vision des prévenus serait «simpliste et partiale» et ils auraient représenté «un danger pour la santé publique» en ne respectant pas les lois sanitaires. Ce à quoi, Peter Freitag a répondu en se lançant dans des explications fantasques sur l’absence «de vraies études menées par le gouvernement» qui n’émettrait «que des propos autoritaires qui ne sont pas des preuves» de la dangerosité du virus.
Les deux prévenus ont, à nouveau tenté de le banaliser. Personne ne serait décédé après avoir participé à leurs polonaises, mais du vaccin, en revanche, si, a-t-il osé, tandis que Jean-Marie Jacoby a expliqué que les contacts physiques permettent de renforcer l’immunité et ainsi de combattre le virus.
Quant aux atteintes à la tranquillité publique, ce serait une chasse aux sorcières orchestrée par Xavier Bettel qui se serait trouvé dérangé par la musique et les propos tenus, et aurait demandé à la Ville de Luxembourg de retirer son autorisation aux manifestants.
Le collège échevinal aurait depuis reconnu son erreur, a indiqué Jean-Marie Jacoby. Son comparse a insinué que si le Premier ministre préférait fuir les débats avec eux, c’est parce qu’il ne pouvait leur donner raison.
Des «arguments en partie absurdes», a rétorqué le procureur. Le juge a, quant à lui, rappelé aux deux hommes que leur mouvement ne représentait qu’«une minorité à laquelle on a laissé beaucoup d’espace de liberté». À commencer par la liberté d’expression.
Porter le masque, même si cela peut sembler absurde dans une manifestation contre son port, n’est pas l’équivalent d’une muselière. La preuve ce mardi matin pendant plus de trois heures. Parquet et tribunal leur ont laissé toute latitude pour s’exprimer et respecter les droits de la défense.
Le jugement sera rendu le 1er mars prochain.
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