Des « infractions plurielles », commises « sur une longue période » : le polémiste Dieudonné M’Bala M’Bala, jugé notamment pour des fraudes fiscales et pour avoir détourné plus d’un million d’euros de recettes non comptabilisées de ses spectacles, a été condamné vendredi à Paris à trois ans de prison, dont un avec sursis, et 200 000 euros d’amende.
L’humoriste controversé de 53 ans au casier judiciaire rempli par ses sorties antisémites n’est pas venu écouter le jugement du tribunal correctionnel qui l’a condamné pour fraudes fiscales, blanchiment, abus de biens sociaux ou encore organisation frauduleuse de son insolvabilité. Ses avocats non plus.
Le tribunal a dénoncé des « infractions plurielles », commises « sur une longue période, 2009-2014 » par un homme « aux très nombreux antécédents tant fiscaux que judiciaires ». Dieudonné M’Bala M’Bala a été condamné pour avoir détourné à son profit des recettes en liquide de ses spectacles non comptabilisées dans les comptes de sa société, les Productions de la plume, pour avoir commis une fraude à l’impôt sur le revenu en 2011-2012 et des fraudes à la TVA, blanchi une partie des espèces en les expédiant à l’étranger ou encore organisé son insolvabilité pour échapper au paiement de dommages et intérêts dus à des associations antiracistes.
« Dieudonné ne se conformait pas à des décisions judiciaires (…) et dans le même temps détournait des espèces et les envoyait à l’étranger », a résumé la présidente de la chambre financière. Il a en revanche été relaxé s’agissant de la fraude à l’impôt sur la fortune. Son théâtre parisien de La Main d’Or, dont il a depuis été expulsé, ne possédait ni caisse enregistreuse ni terminal de paiement bancaire. « Aucune traçabilité des espèces » n’y était assurée, ce qui a permis leur « détournement », selon le tribunal.
657 000 euros en espèces à son domicile
Plus de 657 000 euros en espèces avaient été retrouvés à son domicile en 2014, et lui et ses proches ont envoyé plus de 565 000 euros à l’étranger, principalement au Cameroun où il a des liens familiaux, et plus de 100 000 euros en France.
Lors du procès, au printemps, le parquet avait requis contre Dieudonné trois ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis, ainsi que 285 000 euros d’amende. Entre 2009 et 2014, selon le calcul de l’accusation, « 1,2 million d’euros » n’étaient pas passés sur les comptes bancaires de l’humoriste, qui se disait dans le même temps ruiné et insolvable.
Le polémiste avait fait valoir son droit au silence et ses avocats avaient plaidé sa relaxe en tentant de démontrer que tout était en règle sur les plans comptable et fiscal. Mais le tribunal ne s’est pas satisfait de leurs explications selon lesquelles l’argent envoyé à l’étranger provenait de deux dons, « déclarés et imposés », dont Dieudonné avait bénéficié.
La compagne également condamnée
Le tribunal a condamné sa compagne Noémie Montagne, en tant que gérante de droit de leur société des Productions de la plume, à 18 mois d’emprisonnement avec sursis pour abus de biens sociaux aux dépens de cette société et fraude à la TVA. Les Productions de la plume ont été condamnées à 50 000 euros d’amende pour soustraction au paiement de la TVA. Dieudonné et sa compagne ont l’interdiction de gérer une entreprise pendant dix ans et le tribunal a prononcé la confiscation des espèces saisies.
Le fisc a par ailleurs obtenu leur condamnation au paiement de centaines de milliers d’euros d’ « impôts fraudés », qui seront fixés par le tribunal administratif, et 80 000 euros en réparation du blanchiment de fraude fiscale. Dieudonné devra payer plusieurs milliers d’euros de dommages et intérêts à la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme et l’Union des étudiants juifs de France, parties civiles dans le volet portant sur l’organisation frauduleuse d’insolvabilité, immédiatement même s’il fait appel. « Bien entendu, il va y avoir un appel », a commenté l’avocate de Noémie Montagne, Isabelle Coutant-Peyre, dénonçant une « justice instrumentalisée par le pouvoir politique ».
La défense avait accusé l’Etat d’avoir téléguidé les poursuites à l’époque où les spectacles de Dieudonné suscitaient une virulente polémique en France, fin 2013 et début 2014. Le parquet avait répondu que ce procès n’était pas « politique ».
LQ/AFP