Le jeune homme qui avait tué, fin juillet 2018, sa fiancée de trois coups de couteau dans le thorax a été condamné ce mercredi après-midi. La chambre criminelle a assorti quatre ans de sa peine du sursis.
Sarah venait de fêter ses 22 ans. Depuis plus de quatre ans, elle était en couple avec Denis, son petit ami, quand ce dernier l’a poignardée dans leur appartement à Remich : trois coups de couteau mortels dans le thorax. «Je ne voulais pas faire cela. Je ne pensais pas être capable de faire une telle chose», avait lâché le jeune homme, 24 ans aujourd’hui, à l’ouverture de son procès. Qu’il ait fait preuve d’une extrême brutalité ne fait pas de doute. Mais la véritable explication sur ce qu’il s’est passé ce 24 juillet 2018, la 13e chambre criminelle ne l’a pas obtenue.
Recroquevillé sur le banc des prévenus, Denis aura, durant une grande partie des débats, gardé le regard plongé vers le bas, se cachant le visage avec les mains. À tour de rôle, ses proches ont dépeint l’amour parfait dans le jeune couple qui venait de se fiancer. Denis et Sarah vivaient leur amour. En témoigne également la vidéo tournée lors de la fête du 22e anniversaire de Sarah, deux jours avant le drame.
Un dernier appel à la mère
Les derniers mois, les derniers jours, les dernières heures… à tâtons les juges les ont passés en revue avec les témoins. Quand on parle de Denis, on parle d’un «gentil garçon, souriant et aimable». Jamais il ne se serait fait remarquer par un comportement agressif.
Sa mère est la dernière à l’avoir eu au téléphone ce 24 juillet 2018. Elle devait lui ramener du salami de chez le boucher. En route vers Remich, elle avait reçu un appel de sa part vers 17 h 20. «Sarah ne veut pas de nouvel homme. Et moi, je ne veux pas de nouvelle femme. Nous deux partons maintenant. Merci pour tout.» Et il avait raccroché. À son arrivée dans l’appartement à Remich, Sarah gisait au sol dans la cuisine. Et Denis était maculé de sang. Son frère avait réussi à s’emparer du couteau qu’il venait de retourner contre lui-même.
Difficile de comprendre qu’on en soit arrivé là après l’annonce soudaine par Sarah qu’elle mettait fin à leur relation sans autre explication. C’est en effet la version que Denis avait livrée devant le juge d’instruction.
Pas de «crime passionnel» selon l’expert
Lors du procès l’expert en neuropsychiatrie a écarté, le «crime passionnel» (Affekttat) d’un point de vue médicolégal. Car, selon le spécialiste, les critères ne sont pas réunis. «L’annonce qu’elle le quittait était grave, mais elle ne correspond pas à la définition d’une annonce traumatisante.» En outre, un certain laps de temps se serait écoulé entre ladite annonce et le crime : «Le débordement émotionnel n’a pas été immédiatement réactionnel.» Le prévenu ne présentait donc, selon l’expert, aucune abolition ou altération de son état de conscience.
Dans le dossier, rien n’indiquait que la jeune femme aurait voulu mettre fin à leur relation. L’enquêteur qui avait passé au crible les portables du couple, fraîchement fiancé en mai 2018, n’a pas décelé le moindre indice dans les messages. Le journal intime, non plus, n’avait pas laissé présager un tel drame.
Préjudice moral : 75 000 euros alloués à la mère et la soeur de Sarah
«Je ne peux pas dire pourquoi Sarah a voulu mettre fin à leur relation. Mais cela ne change rien à l’infraction», s’était limitée à dire la parquetière dans son réquisitoire. Pour le ministère public, c’est le meurtre qu’il fallait retenir. L’intention de donner la mort était bien là. Le couteau avait touché poumon, diaphragme, foie… et enfin le cœur. On parle de coups de 12 à 14 cm de profondeur. Sur la victime avaient également été décelées une empreinte de pied à la tête et enfin six coupures superficielles sur la poitrine.
Si le prévenu n’a pas vraiment su donner une explication, ce dont la parquetière était sûre, c’est qu’il regrette son geste. Par application de circonstances atténuantes, elle avait donc requis 24 ans de réclusion. En ce qui concerne un éventuel sursis, elle ne s’était pas prononcée. C’était à la chambre criminelle de trancher.
Mercredi après-midi, cette dernière a finalement condamné le jeune homme, qui depuis sa sortie de l’hôpital dort à Schrassig, à 24 ans de réclusion, dont 4 ans avec sursis. La circonstance aggravante de la préméditation n’a pas été retenue. Le couteau de cuisine est confisqué. La mère et la sœur jumelle de la victime s’étaient constituées parties civiles. Elles se voient allouer respectivement 50 000 euros et 25 000 euros au titre du préjudice moral.
La victime enceinte de six à sept semaines
Beaucoup de questions continuaient à trotter dans la tête de la famille. «Si la relation était si parfaite, pourquoi Sarah voulait-elle se séparer? Et pourquoi lui a-t-elle tu le fait qu’elle était enceinte?», s’était interrogée Me Beverly Simon lors des débats. Pour l’avocate des parties civiles, c’est la preuve que la relation n’était pas si parfaite que cela.
Cela ne serait pas non plus un hasard si le drame avait eu lieu deux jours après la reprise de contact de Sarah avec sa mère. «C’était la fin de l’exclusivité pour Denis.» Elle avait encore dit : «Il la préférait morte plutôt que d’être sans elle.» Et de conclure : «On refuse qu’un tel crime soit banalisé.»
La réponse de la justice, on l’a obtenue mercredi après-midi. Toutes les parties ont 40 jours pour interjeter appel contre ce jugement.
Fabienne Armborst
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