Le jeune homme qui avait tué, fin juillet 2018, sa fiancée de trois coups de couteau dans le thorax a demandé mardi après-midi une peine moins lourde à la Cour d’appel. Le parquet général s’y oppose.
– «J’espère obtenir une meilleure peine. Voilà pourquoi j’ai fait appel.
– Par « meilleure peine », vous entendez quoi exactement?
– Une peine avec laquelle je puisse mettre ma vie en ordre : étudier, travailler, avoir une famille… Je suis terriblement désolé de ce qui s’est passé.»
Près de neuf mois après avoir été condamné par la 13e chambre criminelle pour le meurtre de sa fiancée, Denis (25 ans) comparaissait, mardi après-midi, à la barre de la Cour d’appel. Son appel se limite à la peine : 24 ans de réclusion assortis d’un sursis partiel de quatre ans, c’est trop, estime-t-il.
Mais une explication pour ce qui s’est passé ce 24 juillet 2018 lorsqu’il a poignardé sa fiancée dans leur appartement à Remich – trois coups de couteau mortels dans le thorax – il n’en a toujours pas. Depuis plus de quatre ans, lui et elle étaient en couple. Ils venaient de se fiancer. Et à entendre leur entourage, ils vivaient l’amour parfait. En témoigne également la vidéo tournée lors de la fête du 22e anniversaire de Sarah, deux jours avant le drame. Difficile de comprendre qu’on en soit arrivé là après l’annonce soudaine par Sarah qu’elle mettait fin à leur relation sans autre explication. C’est en effet la version que Denis avait fini par livrer au cours de l’instruction.
«Ce n’était pas mon intention… Je ne peux pas vous expliquer comment on a pu en arriver là. Je regrette pour sa famille tout ce qui s’est passé», a répété, mardi, Denis avant de prendre place sur le banc des prévenus, les yeux rivés sur le sol. «Il n’y arrive toujours pas. Il affiche toujours sa honte. Il se cache», soulèvera Me Philippe Penning dans sa plaidoirie. Ce que la défense demande, c’est d’élargir le sursis.
«Un meurtre, ce n’est pas un acte normal»
Son jeune âge, son repentir, son immaturité affective, son bon pronostic d’après l’expert, son absence d’antécédents judiciaires… tout cela fait partie des circonstances atténuantes que les premiers juges ont retenues. Une bonne chose, trouve l’avocat. Mais, à son avis, les juges, dans leur motivation, n’ont pas expliqué comment ils en sont arrivés à ces 24 ans assortis d’un sursis partiel de quatre ans. «Pour le justiciable, c’est relativement compliqué de comprendre.» Soulevant que, d’après le législateur, le sursis est un droit quand on a affaire à la justice pour la première fois, l’avocat se heurte à la formulation du jugement, où il est dit que le prévenu «ne paraît pas indigne de bénéficier de cette mesure». «Un plus large sursis lui permettrait de réintégrer la société», a encore appuyé Me Penning.
Le parquet général n’est pas d’accord. «Je comprends qu’il veuille avoir une vie normale. Mais un meurtre, ce n’est pas un acte normal. Dans la vie normale, personne ne fait cela. On ne tue pas son partenaire quand ce dernier dit qu’il n’est pas heureux.» Sa représentante avait commencé son réquisitoire en parlant d’une «affaire dramatique» pour les «deux familles» : «L’une a perdu sa fille qui avait la vie devant soi, l’autre a aujourd’hui son fils en prison.»
Si l’avocat général apprécie que le prévenu ait fait des aveux et exprimé ses regrets, ce qui la dérange, c’est son manque d’empathie. «Madame a sans doute montré des signes avant-coureurs. Mais lui ne les a pas vus. Avec le résultat que le jour où elle a dit que cela n’allait plus, il y a eu effondrement. Sa béquille narcissique n’existait plus. C’est comme s’il avait perdu une partie de lui-même. Et elle a dû mourir…»
«Trois violents coups : il s’est vraiment acharné»
Le parquet général dit non à une peine plus clémente. Car celle prononcée serait justifiée au vu de la «gravité des faits et de la violence exercée». «Il s’est vraiment acharné. « Il a porté trois coups de couteau violents », ont retenu les premiers juges.» Après avoir rappelé que la peine maximale pour un meurtre est la réclusion à vie, elle a considéré : «24 ans, ce n’est pas trop. Je vous demande de confirmer la peine.» Tentant de capter le regard du prévenu, elle a ajouté : «J’espère que cela vous aidera à changer. Je souhaite que vous trouviez un chemin vers l’empathie, car on vit mieux avec!»
La Cour d’appel rendra son arrêt le 12 janvier. La mère et la sœur jumelle de la victime s’étaient constituées parties civiles. En première instance, elles s’étaient vu allouer respectivement 50 000 euros et 25 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral. Contre cette décision, il n’y a pas eu appel. La défense a annoncé que, avec l’aide de sa famille, Denis avait déjà pu leur verser un acompte de 5000 euros et qu’il comptait les payer mensuellement grâce à ses revenus en prison.
Fabienne Armborst