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Ex-femme tuée à Esch : « Un assassin qui a agi de sang froid »


«Si elle avait gardé le contact avec moi, cette tragédie n'aurait pas eu lieu», lâche le prévenu jugé pour avoir tué son ex-femme à Esch, le 7 janvier 2015. (photo archives Jean-Claude Ernst)

Depuis la semaine passée, Jamek M. comparaît pour avoir tué son ex-femme à Esch. L’avocat des parties civiles est choqué de son comportement à la barre.

Depuis le début de son procès, Jamek M. (59 ans) affirme ne plus se souvenir d’avoir tiré six fois avec son pistolet 9 mm sur sa femme, dans une arrière-cour à Esch.

La 9e chambre criminelle a de nouveau tenté de tirer plus d’explications du prévenu, lundi après-midi. «Pouvez-vous expliquer encore une fois comment les faits se sont passés ?» Voilà les mots de la présidente en début d’audience. S’en est suivi un long récit.

Maison « ensorcelée »

Pendant près de deux heures et demie, le quinquagénaire a raconté sa vie. Tout ce qui s’est passé bien avant ce 7 janvier 2015. De ses années passées en Yougoslavie, en passant par sa mobilisation à la frontière entre la Croatie et le Monténégro pendant la guerre, à son arrivée avec sa famille au Grand-Duché. Son refrain : il aurait travaillé toute sa vie pour ses enfants. Il aurait eu «une famille heureuse». Mais il y aurait aussi eu ses cauchemars, ses angoisses. Ainsi raconte-t-il que leur maison qu’ils avaient achetée à Esch était ensorcelée et remplie de diables. Il en aurait parlé à un imam.

Mais tout ce que ses enfants ont déclaré serait de purs mensonges, poursuit-il. Alors que depuis le début, il s’exprime dans sa langue maternelle, il s’est d’un seul coup exclamé en allemand : «Jamais je ne les ai frappés de ma vie !»

Dès que les questions de la présidente se précisent, il divague à nouveau. «Le 1er novembre 2013, vous avez été expulsé pour la deuxième fois du domicile. Comment expliquez-vous cela si tout allait au mieux ?» Jamek M. lâche un grand soupir. Une suspension d’audience sera finalement nécessaire. Il se précipite sur une chaise, prend sa tête entre ses mains… Et puis près d’une demi-heure plus tard, sa réponse : «Je ne sais plus pourquoi. C’était il y a trois ans et demi.»

Quand le tribunal aborde la procédure de divorce entamée par sa femme, il murmure : «Difficile après tant d’années de mariage.» Il se souvient des menaces proférées à l’époque, qu’il voulait la découper en morceaux… «Mais ce que j’ai écrit, je ne voulais pas le faire à 100%, assure-t-il. Je regrette, je n’étais pas normal.»

«Personne ne conteste que vous ayez travaillé. Mais à la maison c’était la terreur», finit par le couper la présidente armée de beaucoup de patience.

«Quelqu’un d’autre avait le contrôle sur moi»

Pour clore cette audition fastidieuse, le représentant du parquet avait préparé deux questions précises. «Est-ce que vous avez tiré sur votre femme ? Pourquoi ?» Le prévenu n’en dira pas plus : «Je ne peux pas me rappeler. Et je n’avais pas vraiment de raisons de la tuer.»

«Comment expliquez-vous votre geste ?», retente la présidente. «Ce n’était pas moi. Quelqu’un d’autre avait le contrôle sur moi.» Quand elle lui remémore que le jour de son arrestation il a déclaré avoir tué sa femme parce qu’elle avait menti, l’avait humilié et lui avait tout pris… il insiste sur le fait qu’il n’avait pas de mobile. En ajoutant toutefois : «Si elle avait gardé le contact avec moi, cette tragédie n’aurait pas eu lieu.»

L’audience s’est terminée avec les plaidoiries. Pour l’avocat représentant des parties civiles, «c’est un assassin qui a agi de sang-froid. Pendant des années, il a terrorisé les membres de sa famille. Quand ils ont commencé à se défendre, il n’a plus supporté cela. Il n’a pas vu d’autre issue que de tuer sa femme». Me Pierre Goerens réclame l’euro symbolique au titre du préjudice moral pour chacun des trois enfants. «Ce n’est pas l’argent qui les intéresse, mais que justice soit rendue.» Pour les deux sœurs et un neveu de la victime, il demande un total de 150 000 euros.

Me Yves Altwies, quant à lui, conteste la préméditation de l’acte de son client. Jamek M. aurait agi sous le coup de l’émotion. «Ce n’est peut-être pas le monstre que l’on a décrit ici», argue-t-il en demandant de lui accorder un large sursis. Les débats s’achèveront ce mardi après-midi avec le réquisitoire du parquet.

Fabienne Armborst

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