En faisant appel, Jamek M., qui avait tué la mère de ses trois enfants à Esch en 2015, espérait obtenir une peine moins lourde. Le parquet général s’y oppose.
« Je regrette que ma femme ne soit plus parmi nous. J’ai pris sa vie. Je n’avais pas le droit de faire cela. (…) Croyez-moi, je ne voulais pas faire cela. » Jamek M. (59 ans) avait préparé tout un texte dont il a donné lecture mardi après-midi devant la Cour d’appel. Ce qu’il demande, c’est une peine moins lourde. «Je ne dis pas que je suis innocent. Mais je ne voulais jamais faire cela. Je ne me souviens de rien», a encore lâché le prévenu avant de retomber dans son discours égrené en première instance. Ses enfants n’auraient raconté que des mensonges. Il n’aurait jamais frappé, harcelé ou menacé sa femme… qui avait demandé le divorce.
Ni les quelques larmes versées à la barre ni les mots d’excuse prononcés à l’égard des enfants de nouveau présents dans la salle n’auront réussi à amadouer le parquet général. Le fin mot de son représentant était clair : «Je demande la confirmation de la peine prononcée en première instance en juin dernier : la réclusion criminelle à vie.»
Dans cette affaire «particulièrement grave», il estime que le quinquagénaire ne mérite aucune circonstance atténuante. «Toute peine moins lourde que la réclusion à vie ne serait pas adaptée à la gravité des faits ainsi qu’à l’attitude du prévenu tout au long de l’instruction et son comportement à la barre», a-t-il martelé. Le fait que le père ait légué sa part de la maison familiale aux enfants après le drame ne pourrait pas non plus être retenu comme circonstance atténuante.
Sous l’emprise du diable ?
Si les premiers juges avaient retenu que Jamek M. s’est rendu coupable d’homicide volontaire avec la circonstance aggravante de la préméditation, mardi, le prévenu a tenté d’inculquer à la Cour que c’est le diable qui l’a dirigé. Or, pour le parquet général, il y a suffisamment d’éléments dans le dossier qui prouvent que le quinquagénaire avait bien prémédité son acte : que cela soit l’arme qu’il avait rapatriée du Monténégro et pour laquelle il avait transformé la console centrale de sa VW Golf afin de l’avoir à portée de main au moment propice, les petits bouts de papiers sur lesquels il avait écrit qu’il avait notamment l’intention de couper sa femme en morceaux ou le fait qu’il épiait la victime. Enfin, l’enraiement de son pistolet après le deuxième tir ne l’avait pas arrêté : il avait encore tiré quatre fois dans la tête de sa victime. Tout cela montrerait qu’il a agi de sang-froid le 7 janvier 2015.
En sortant du portail de l’arrière-cour rue du Fossé, Jamek M. avait croisé le neveu et la sœur de la victime. «Va chercher ta tante, elle est morte», aurait-il d’abord lancé au premier avant de se diriger vers sa VW Golf noire. «Je ne peux pas m’imaginer qu’un homme pleinement conscient a l’intention de tuer sa femme en présence de membres de sa famille», a plaidé Me Roland Michel mardi. L’avocat qui a hérité du dossier après le premier jugement est convaincu que le quinquagénaire se trouvait dans un état second lors des faits. Il a demandé un rapport complémentaire sur l’état psychiatrique de son client en 2015.
Une demande à laquelle le parquet général s’est clairement opposé. «On dispose déjà de deux expertises dans le dossier», a rappelé son représentant. Des expertises qui auraient déjà relevé l’absence d’autocritique et le «théâtralisme misérabiliste» de Jamek M. qui réussirait à se présenter dans toutes les situations comme victime.
Prononcé le 12 février
En première instance, le quinquagénaire avait été également condamné à indemniser six parties civiles. Me Pierre Goerens a réitéré ses demandes : l’euro symbolique au titre du préjudice moral pour chacun des trois enfants. Pour les deux sœurs et un neveu de la victime, qui s’étaient vu allouer un total de 37 500 euros, il réclame 150 000 euros. La famille de la victime aurait vécu un véritable calvaire, a-t-il insisté avant de donner lecture de quelques passages du jugement de première instance : «Même après trois années passées en détention préventive, Jamek M. n’a pas entamé de remise en question. (…) Au contraire, il continue avec une froideur extrême de rendre responsable la victime de sa propre mort.»
La Cour d’appel rendra son arrêt le 12 février.
Fabienne Armborst