Un couple réclame 3 000 euros à une quadragénaire pour dénonciation calomnieuse. Il n’a pas digéré qu’elle l’accuse à tort de vol au distributeur de billets et lance la police à ses trousses dans la capitale au printemps 2019.
Elle voulait retirer de l’argent au distributeur d’une banque. Mais elle a oublié de prendre ses 20 euros à la fin de l’opération. Ce qui peut arriver. Toujours est-il que le couple qui, quelques instants plus tard, s’est dirigé vers l’appareil avenue de la Liberté à Luxembourg n’est pas près d’oublier cette fin d’après-midi du 4 avril 2019.
Aux alentours de 16 h 30, les époux effectuaient un retrait avec leur carte V-Pay quand Madame les a soudainement abordés. «Elle les a accusés de lui avoir dérobé l’argent qu’elle avait oublié après son retrait et elle les a menacés d’appeler la police», résume leur avocat, Me Yves Altwies.
Les images de vidéosurveillance de la banque ont révélé que ce n’est pas le couple qui a mis la main sur les 20 euros oubliés. Une autre dame avait visiblement retiré de l’argent avant lui. C’est ce qu’on sait aujourd’hui à la lecture du procès-verbal…
La police alertée, le couple interpellé
Mais sur le coup, la quadragénaire tente coûte que coûte de retrouver son argent. Elle n’a pas l’intention de laisser filer le couple qu’elle suspecte. Ce dernier a entretemps poursuivi son chemin. Et il s’est rendu dans un magasin de chaussures, toujours dans le quartier de la Gare, pour acheter des baskets à son enfant. En ressortant de la boutique, il se retrouve nez à nez avec la police que la quadragénaire a entretemps bien alertée. «Quatre agents se sont présentés ostensiblement devant le magasin, relate Me Altwies. Le couple a été interpellé.»
S’il n’y était en fin de compte pour rien dans la disparition des 20 euros, ce n’est pas pour autant que le couple décide de passer l’éponge. D’où sa citation directe pour dénonciation calomnieuse débattue lundi matin devant la 12e chambre correctionnelle. Au titre du préjudice moral, le couple représenté à l’audience par son avocat réclame 3 000 euros à la quadragénaire qui l’a accusé à tort. À cela s’ajoute une indemnité de procédure à hauteur de 1 500 euros.
«Mes clients ont été choqués, argue Me Altwies. C’est une bagatelle, mais cette scène a fait impression sur eux. Ils se sont sentis traités comme des criminels un samedi après-midi quand la ville est archicomble. Quatre agents, vous imaginez la scène…» Ou cette accusation était-elle due à la couleur de leur peau? «Mes clients travaillent. Ils ont insisté : « C’est raciste, on n’a rien fait »», soulève encore l’avocat.
La partie citante est convaincue que, d’après ce qui ressort du procès-verbal, la quadragénaire devait savoir qu’elle accusait de vol des personnes qu’elle savait innocentes. «Au poste de police, à 18 h 08, le 4 avril 2019, elle a elle-même dit qu’il se pouvait que cela soit eux, mais il se pouvait aussi que cela soit quelqu’un d’autre…» Au cas où la condamnation pour dénonciation calomnieuse ne marcherait pas, Me Altwies propose au tribunal de retenir l’infraction de la fausse alerte.
«Je trouvais bizarre qu’elles rigolent»
Sans avocat, la quadragénaire s’est défendue lundi matin à la barre du tribunal. Elle explique avoir suspecté le couple après avoir oublié son argent au distributeur : «Je pensais que c’étaient les personnes qui étaient là. Je trouvais bizarre qu’elles rigolent.» Elle affirme aussi que le couple l’aurait insultée. Voilà pourquoi elle avait appelé la police. «Je ne sais pas si le distributeur de billets a récupéré l’argent automatiquement ou si les deux personnes l’ont pris», a ajouté face aux juges celle qui touche aujourd’hui le revenu pour personnes handicapées.
Comme régulièrement dans les affaires de citation directe, le parquet s’est rapporté à prudence de justice.
Prononcé le 1er avril.
Fabienne Armborst