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Drame au rond-point Raemerich en 2016 : quatre ans requis contre le chauffard


"Une à deux minutes avant l'impact, il roulait à 230 km/h", note le parquet d'après des images de Snapchat. (photos police grand-ducale)

Deux morts et deux blessés graves. C’était le bilan du tragique accident au rond-point Raemerich le 26 juin 2016. Le procès a eu lieu mardi.

« Quel gâchis que la vie de deux personnes se soit arrêtée dans ce rond-point après une nuit fêtée avec allégresse. Quel gâchis si on voit les photos des personnes qui ont participé à cette soirée. » C’étaient les premiers mots du représentant du parquet, mardi après-midi, dans son réquisitoire. Sur le banc des accusés, le conducteur de la BMW qui a percuté le 26 juin 2016 à toute vitesse le rond-point Raemerich au bout de l’A4 à Esch-sur-Alzette. Bilan de l’accident : deux morts et deux blessés graves.

À l’arrivée sur les lieux de l’accident ce dimanche matin, les secours découvrent un véhicule complètement détruit. Ce dernier a traversé le rond-point, tapé le mur du passage souterrain avant de prendre feu un peu plus loin. «Les flammes jaillissaient du capot. Impossible de les maîtriser», témoigne l’un des policiers présents sur les lieux du drame.

Très vite, les secours doivent constater la mort de la passagère avant de 20 ans ainsi que de l’homme de 38 ans assis derrière le conducteur qui ne portait pas sa ceinture de sécurité. Tout comme le troisième passager (28 ans), le conducteur a survécu mais il est grièvement blessé. Le jeune homme (21 ans) a été héliporté à l’hôpital avant d’être transféré au centre des brûlés à Liège. Il fera trois mois de coma. Plus de deux ans après les faits, il garde toujours de graves séquelles physiques de cet accident.

«Aucun souvenir»

Bras en écharpe, le prévenu de 23 ans s’est avancé mardi après-midi à la barre de la 9e chambre correctionnelle. «Mon bras est complètement mort», explique le jeune homme qui touche aujourd’hui une pension d’invalidité. L’accident, il ne se le rappelle pas : «Aucun souvenir.»

La seule chose qui lui revient à l’esprit de cette journée, c’est quand il était à la maison l’après-midi. Ouvrier, il avait enchaîné deux nuits de travail. La soirée du samedi soir, il l’a passée entre amis. Ils ont fêté la victoire du Portugal à l’Euro. Ils ont terminé la soirée dans une discothèque à Steinsel. Au retour sur Esch, l’ambiance était toujours joyeuse. En témoignent les images Snapchat retrouvées sur le portable d’une des victimes. À 6h19, soit quelques instants avant le drame, on y voit le véhicule rouler à 234,9 km/h (NDLR : l’application dispose d’un filtre permettant de visionner la vitesse à laquelle on circule). C’étaient les dernières images de cette joyeuse soirée.

Ce qui reste aujourd’hui, c’est le double homicide involontaire et les coups et blessures involontaires que le parquet lui reproche. La défense demande d’acquitter le prévenu. «On ne peut pas prendre les chiffres de l’application Snapchat comme acquis», a plaidé Me Mathieu Richard avant d’invoquer que la vitesse et l’alcool ne sont pas en lien causal avec l’accident. Il s’appuie sur la déposition du passager qui a survécu qui ne s’est pas présenté hier au procès. Lors de son audition, il avait déclaré : «Il n’a pas freiné avant le rond-point, mais accéléré pendant qu’il a baissé la tête.Je suis sûr qu’il s’est endormi…»

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En raison de sa perte de connaissance ayant aboli son discernement, le conducteur ne pourrait être tenu responsable de l’accident, estime la défense. «S’endormir, ce n’est pas perdre connaissance. Si vous invoquez la perte de connaissance, rapportez des preuves !», interviendra la présidente. L’avocat maintiendra sa ligne de défense : le prévenu est à acquitter car il n’aurait pas commis d’imprudence en lien avec l’accident.

Mais, pour le parquet, il y a suffisamment d’éléments dans le dossier prouvant sa culpabilité. Pas de doute que le conducteur a commis une faute d’imprudence en circulant sous l’influence d’alcool. L’expertise toxicologique a relevé un taux de 1,10 g par litre de sang. «La médicamentation faite par le SAMU n’a eu aucun effet sur le taux d’alcool», insiste le premier substitut balayant par là l’argument de la défense.

À cette conduite sous l’influence de l’alcool s’ajoute la vitesse excessive. L’expert technique a calculé que la BMW a heurté le rond-point avec une vitesse minimale de 95 km/h. Sur cette portion de route, la vitesse est limitée à 50 km/h…

«Il faut que ce carnage s’arrête»

Le parquet revient sur les images concrètes livrées par Snapchat. «Une à deux minutes avant l’impact, il roulait à 230 km/h. Le trajet de Steinsel à Esch prend en temps normal entre 24 à 30 minutes. Eux, ils ont réussi à le faire en 14 à 15 minutes !» Et de conclure : «L’impact n’a pas eu lieu parce qu’il s’est endormi, mais parce qu’il arrivait avec une vitesse excessive dans le rond-point.»

Au vu de la gravité des faits, le parquet requiert quatre ans de prison contre le prévenu : «Il faut que ce carnage sur les routes arrête !Pour que ce carnage s’arrête, il faut que la peine soit élevée.» Au tribunal de décider s’il mérite d’un éventuel sursis. Le parquet réclame aussi une amende, la confiscation de la voiture et une interdiction de conduire de cinq ans ferme.

Côté civil, c’est une véritable bataille de chiffres qui s’annonce. L’avocate du passager arrière qui a survécu réclame près de 61 600 euros de dommages et intérêts. «Monsieur a eu une année difficile. Il a toujours des problèmes au niveau de son bras.» Les six membres de la famille de la jeune fille de 20 ans décédée demandent 615 000 euros. Et la CNAP, qui verse la pension de survie et d’orphelin à l’épouse et les trois enfants de la deuxième victime, chiffre pour l’instant ses dommages à 5 530 euros. Prononcé le 17 octobre.

Fabienne Armborst