Selon les collègues du douanier renversé sur l’aire de Capellen, dans la nuit du 17 au 18 octobre 2013, le conducteur de la BMW a visé l’agent pour éviter qu’il jette la herse sur la chaussée.
Y a-t-il eu tentative de meurtre sur le jeune douanier de 26 ans le soir du 17 octobre 2013 ? C’est la question sur laquelle les juges de la 9e chambre criminelle se penchent depuis mardi. La victime percutée par la BMW, à bord de laquelle se trouvaient Jérémy L. et Suleyan S., avait été grièvement blessée.
Selon le médecin légiste, le douanier renversé a subi un «polytraumatisme qui aurait pu lui coûter la vie». Il était resté hospitalisé pendant plus d’un mois avant d’entrer dans un centre de rééducation. Dans son rapport, l’expert note notamment un traumatisme crânien, une fracture du tibia droit et des blessures au niveau de la cage thoracique. En ce qui concerne l’évolution neurologique, il serait trop tôt pour tirer un bilan : «Il est possible que les séquelles se résorbent, mais elles peuvent tout aussi bien subsister.»
Lors de leurs dépositions, mercredi à la barre, les douaniers étaient formels pour dire que leur collègue se trouvait bien sur l’accotement au moment du drame. Selon eux, le conducteur de la BMW pouvait bien le voir de loin. «Sans doute, il a vu la herse et décidé de l’écraser», indique le premier témoin qui précise ne pas avoir vu les feux stop du véhicule. «Il a poursuivi sa route sans freiner.»
Me Ahmed Harir, l’avocat à la défense français de Jérémy L. s’intéresse aux conditions générales du contrôle : «Pourquoi n’a-t-on pas procédé au contrôle quand ils font le plein d’essence ?» La réponse du douanier : «En principe, on ne contrôle jamais sur une station-service. Cela constitue un facteur de risque. Il y a beaucoup de monde. On ne peut pas maintenir le périmètre de sécurité. Et le contrôle peut prendre un certain temps.»
Le deuxième collègue entendu à la barre confirme également que lors du choc son collègue avait la herse encore en main. «La voie était libre, le conducteur aurait pu poursuivre sa route tout droit vers l’autoroute. À mon avis, c’était son intention de le viser pour que la herse ne soit pas jetée sur la chaussée.»
«Pourquoi avez-vous changé de version ?»
Une fois l’audition des témoins terminée, c’était au tour du premier prévenu, Suleyan S. (29 ans) poursuivi pour non-assistance à personne en danger, d’être entendu. Le passager de la BMW décrit le conducteur Jérémy L. comme «son meilleur ami d’enfance». Le 17 octobre au soir, après un match de foot à Carignan (Ardennes), les deux Français auraient eu envie d’aller chez Quick. Le plus proche se trouvant à une cinquantaine de kilomètres à Libramont ou à Arlon (Belgique), ils avaient pris la voiture. Au retour, ils s’étaient arrêtés à l’aire de Capellen pour faire le plein.
Suleyan S. reconnaît qu’ils ont roulé un peu vite avec la BMW. «Mais dans un véhicule comme ça, on ne sent pas la vitesse.» Après avoir fait le plein, il affirme avoir vu les deux douaniers des deux côtés de la chaussée. Mais le troisième, positionné 28 mètres plus loin, il ne l’aurait pas vu tout de suite : «Quand on est passés entre les deux, j’ai baissé les yeux pour chercher ma carte d’identité. Au moment de l’accélération, j’ai relevé la tête et vu le troisième douanier.» Or, selon Suleyan S., l’agent ne se trouvait pas sur l’accotement. «T’es malade. T’es fou. Qu’est-ce que tu fais ?» Voilà les mots qu’il aurait lâchés à Jérémy L. après avoir vu le douanier passer au-dessus du capot. Suleyan S. indique encore ne pas avoir dormi pendant une semaine jusqu’à ce qu’il se rende à la police.
Le parquet constate toutefois que sa version livrée à la barre ne correspond pas à celle du dossier. «Jusqu’à présent, vous n’avez jamais dit que vous aviez baissé la tête. C’est un élément qui peut avoir son importance. Pourquoi avez-vous changé de version ?», soulève le premier substitut Martine Wodelet. «Ce n’est pas une question de mensonge. C’est comme ça que je me souviens», réplique Suleyan S.
Le procès se poursuit ce jeudi après-midi avec l’audition du second prévenu Jérémy L. C’est également aujourd’hui que le procès doit s’achever avec le réquisitoire du parquet.
Fabienne Armborst