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Dessins devant la Philharmonie : la craie était-elle lavable ?


Voilà la photo illustrant l'opération nettoyage des pompiers que le collectif d'artistes Richtung 22 avait publiée sur sa page Facebook. (Photo : Richtung 22)

Pour avoir inscrit avec de la craie une nouvelle version de l’hymne national devant la Philharmonie à quelques heures de la cérémonie officielle de la fête nationale 2015, quatre jeunes étaient cités, lundi matin, devant la justice de paix. On leur reproche d’ «avoir dégradé des objets destinés à l’utilité publique».

L’affaire avait une première fois été fixée le 23 mai dernier. À la demande de la défense, le procès avait été remis. Lundi, le parquet a demandé la refixation de l’affaire. Car il aimerait savoir si la craie employée à l’époque s’efface avec de l’eau. «Il y a suffisamment d’éléments dans le dossier. Mais avec une expertise, on aurait une charge de la preuve circonstanciée», a argumenté le représentant du ministère public.

C’est vers 2h40, le 23 juin 2015, qu’un agent de sécurité avait découvert un groupe de jeunes en train de dessiner avec de la craie en spray sur le parvis de la Philharmonie. La police avait été appelée. En raison de la cérémonie de la fête nationale, prévue seulement quelques heures plus tard, les auteurs avaient reçu de l’eau et des balais pour supprimer leur œuvre. Les pompiers avaient finalement été appelés en renfort.

L’expertise réclamée lundi par le parquet doit permettre de clarifier si la craie employée se serait effacée dès la première pluie ou avec un seau d’eau ou est-ce qu’elle aurait tenue malgré les conditions météorologiques. L’affaire a donc été remise sine die.

«Où s’arrête la liberté artistique ?»

«Je pense que c’est un signal positif que le parquet n’amène pas à la va-vite cette affaire devant le tribunal, mais qu’il contrôle s’il y a vraiment eu dégradation. Même si on aurait aimé plaider cette affaire aujourd’hui, remarquait, Me Laura Urbany, l’avocate à la défense des prévenus, à la sortie de la brève audience. En fait cette expertise est à notre avantage, si elle constate que la craie en spray s’efface toute seule avec la pluie. Peut-être pas la première demi-heure, mais au bout de quelques jours de pluie.»

Du côté du collectif d’artistes Richtung 22, on est prêt à donner quelques tuyaux pour l’expertise. C’est en tout cas, ce que Lars Schmitz, l’un des quatre prévenus, a annoncé face à la presse : «Il semble que du côté du parquet comme du tribunal, l’époque où ils jouaient encore avec de la craie dans la rue est si éloignée dans le temps qu’il y a le besoin de nommer un expert.»

«Nous sommes prêts à aider volontiers la police d’organiser cette journée devant la Philharmonie où ils dessineront avec de la craie», poursuit le prévenu avant de faire référence à l’action de solidarité organisée vendredi dernier devant les Rotondes. En présence de la police, 40 personnes ont réalisé à la craie différents dessins pour exprimer leur solidarité avec les activistes. «Nous avons montré que nous nous y connaissons au niveau de tous types de craies et également des différentes surfaces. Il n’est pas nécessaire qu’un expert étranger soit nommé. Nous sommes prêts à mettre à disposition des experts. Mais nous demanderions en échange à peu près l’argent dont nous avons besoin pour payer notre avocat.»

Enfin Lars Schmitz est revenu sur le contexte de l’action : «C’était l’époque après le référendum.» L’idée aurait été de transformer les paroles de l’hymne national pour lancer une discussion autour des résultats du référendum. «En fin de compte, on était assez mal organisés. C’était un peu chaotique et après la police est déjà arrivée. Donc nous n’avons malheureusement pas de bonnes photos de notre hymne.»

Le collectif Richtung 22 éprouve cela comme une démarche d’intimidation. «Où s’arrête la liberté de démonstration, la liberté artistique au Luxembourg ?», reprend Lars Schmitz. «C’est une assez grande question qui se cache derrière une bagatelle.»

Fabienne Armborst