Depuis la Roumanie, un trentenaire a fait le trajet pour se présenter à la barre de la chambre criminelle, mercredi après-midi. Il n’est pas d’accord avec les 15 ans de réclusion ferme auxquels il a été condamné par défaut l’an passé.
«C’était compliqué à la douane en Roumanie.» Malgré les restrictions liées à la crise sanitaire, il a toutefois réussi à rejoindre le Luxembourg. «Je suis parti il y a deux jours. Avec ma citation au tribunal, j’ai pu sortir», racontait, mercredi après-midi, le prévenu Mihaita C. (35 ans). Un peu déboussolé, il se présentait à la barre de la 13e chambre criminelle. «Pourquoi n’étiez-vous pas là l’année dernière?», le questionne la présidente.
– La poste ne m’a pas apporté la convocation au procès…»
Le trentenaire n’était en effet pas là quand les juges se sont penchés sur cette affaire de viol avec séquestration dans une camionnette route de Thionville à Luxembourg, remontant au 30 mai 2015. C’est la raison pour laquelle il n’a pu bénéficier d’aucun aménagement de peine. Le 24 octobre 2019, la chambre criminelle avait ainsi prononcé 15 ans de réclusion ferme à son encontre.
Le courrier lui notifiant sa condamnation, il l’a toutefois bien reçu. C’était le 5 novembre 2019. Et dès le lendemain, il a d’ailleurs formé opposition contre le jugement. Le fait qu’il ne soit pas d’accord avec cette décision, il l’a vite fait comprendre aux juges mercredi après-midi. Il n’a pas eu besoin d’interprète pour faire passer ce message en français : «Je n’ai rien fait.» La victime s’était vu allouer 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice. Mais il ne lui a pas notifié son opposition. Ce qui signifie que seul le volet pénal intéresse aujourd’hui la chambre criminelle. Mais ce ne fut pas pour mercredi après-midi, en fin de compte.
«Je n’ai pas d’argent pour me payer un avocat»
«Je n’ai pas d’argent pour me payer un avocat», a expliqué le prévenu. À l’entendre, les démarches pour bénéficier d’une éventuelle assistance judiciaire payée par l’État, il ne les a pas non plus entamées. «Je ne savais pas comment c’est au Luxembourg avec le coronavirus et toutes les restrictions.» «Il est peut-être difficile de voyager actuellement, mais on peut téléphoner ou écrire un courriel», lui a remémoré la présidente. Le prévenu demandant bien à être assisté par un avocat, le tribunal lui en a donc désigné un.
Le parquet proposait de refixer l’affaire au mois de mars. La chambre criminelle a préféré «une date à brève échéance» : le 15 décembre. Le second prévenu dans cette affaire, Gheorgita M. (33 ans), qui avait pris 15 ans de réclusion dont 7 avec sursis, a en effet interjeté appel. Lui attend son procès devant la Cour d’appel. D’où l’intérêt que l’opposition de Mihaiti C. soit rapidement évacuée.
La parquetière n’a pas manqué de rappeler au trentenaire qu’il n’aurait pas de nouvelle chance : «Si vous ne vous présentez pas, la peine de 15 ans de réclusion ferme est définitive.» «Je viendrai d’une manière ou d’une autre, sauf si cela ne va pas du tout… Le problème avec la Roumanie : est-ce que je pourrais ressortir?», s’est-il inquiété. Voilà pourquoi le parquet lui a remis en main propre la citation avec la nouvelle date du procès. Personne ne sait quelle sera la situation avec le coronavirus d’ici là. Mais avec ce document, il pourra attester à la douane qu’il doit se rendre au tribunal au Luxembourg. «Et si tout est fermé et rien ne va plus, contactez le parquet.»
Une camionnette, deux versions
La plaignante (33 ans) s’étant constituée partie civile lors du premier procès, le parquet a annoncé renoncer à son audition à la barre. La nuit des faits, vers 3 h, elle marchait en direction de l’Abrigado quand, au début du pont Büchler, une camionnette s’était arrêtée à sa hauteur. Pour ce qui s’est passé ensuite dans l’habitacle, les versions entre les protagonistes divergent. Elle affirme avoir été séquestrée et violée un peu plus loin sur un parking. Le conducteur qui aurait proposé de l’emmener ne se serait pas arrêté où elle voulait descendre. Les deux prévenus, pour leur part, affirment l’avoir payée pour ses services de prostituée.
Quelques minutes auparavant, le duo à bord d’une camionnette avec une plaque d’immatriculation bulgare avait été contrôlé par une patrouille de police dans le quartier de la gare. La jeune femme ayant retenu les premières lettres du numéro d’immatriculation, le conducteur et son passager avaient rapidement pu être identifiés par la police. Dans son jugement, la chambre criminelle a retenu que, selon les déclarations de la jeune femme, Mihaita C. était le conducteur. Ce n’est pas lui qui aurait commis les actes de pénétration sexuelle, mais c’est lui qui aurait aidé Gheorgita M. à l’appréhender, à la pousser contre le siège et à l’immobiliser en la tenant par le bras.
Fabienne Armborst