Payer ses achats avec une carte bancaire qui ne vous appartient pas peut vous coûter cher au tribunal. L’expérience d’un jeune homme à la sortie d’une boîte de nuit fin novembre 2019.
Il y a d’abord eu la bière Corona Extra à 2,90 euros, puis le paquet de cigarettes à 10,70 euros et enfin le plein de diesel à 15,23 euros. «Pourquoi n’avez-vous pas tout payé en même temps? N’y êtes-vous pas allé à tâtons pour connaître le seuil limite de la carte?», tente de creuser le président de la 7e chambre correctionnelle.
L’accroissement des montants saute à l’œil. En l’espace de quelques minutes, le 23 novembre 2019, le jeune homme de 26 ans avait réglé plusieurs achats dans une station-service à Differdange. Problème : la carte bancaire avec laquelle il avait payé ne lui appartenait pas. C’est la raison pour laquelle il s’est retrouvé à la barre du tribunal correctionnel mi-janvier.
Comme le plaignant, il avait fréquenté une boîte de nuit à Foetz le soir des faits. Mais à entendre le prévenu, il a fallu qu’il reçoive la convocation de la police pour se rendre compte qu’il était ressorti de la discothèque avec une carte de trop dans son portefeuille… Son explication face aux juges : «Je n’ai pas volé cette carte. C’est une fille qui l’a trouvée et me l’a donnée. Je l’ai glissée dans mon porte-monnaie sans faire attention que ce n’était pas la mienne. Car j’ai aussi une carte Post…»
Étant donné qu’il avait payé ses achats sans contact, il n’a pas été obligé de taper le code secret. «Je fais toujours comme ça. On ne me demande jamais mon code.» Son explication ne passe toutefois pas comme une lettre à la poste. Le tribunal reste dubitatif : «Même en restant sous le seuil des 25 euros, après avoir utilisé plusieurs fois le sans contact, le code finit toujours par vous être demandé.»
«Trois fois, c’est un peu fort pour une même soirée»
«Quand j’utilise ma carte bancaire, je vois toujours mon nom. Ou aviez-vous peut-être consommé trop d’alcool ce soir-là?», lui demande le juge en revenant à la charge.
– «Non, non, Monsieur…» Le prévenu campe sur sa position. «L’erreur que j’ai faite, c’est que je n’ai pas contrôlé si c’était ma carte.» Un autre élément, selon lui, qui prouve qu’il n’avait aucune intention frauduleuse, c’est le fait qu’il soit venu avec sa propre voiture à la station-service. Il ajoute : «Je n’aurais certainement pas utilisé la carte seulement pour 28 euros. Ou je l’aurais détruite juste après…»
Pour le parquet, il n’y a aucun élément dans le dossier pour retenir l’infraction du vol. «Il est possible qu’il ait reçu la carte fortuitement. Le bon réflexe aurait toutefois été de vérifier si c’était bien la sienne.» Même si au moment de la remise de la carte il n’y avait rien de frauduleux, ce qui pose problème, selon le parquet, c’est la suite. «Vous avez au moins trois cartes dans votre portefeuille. Et par hasard vous sortez à trois reprises la même carte qui n’est pas la vôtre. C’est un peu fort pour une même soirée.»
«La prochaine fois, vérifiez que c’est bien votre carte!»
«Sa version n’est pas crédible», dira le parquetier avant de requérir six mois de prison et une amende pour le cel frauduleux. Il ne s’oppose pas à un aménagement de peine. À part une affaire de circulation, le prévenu qui travaille comme installateur de chauffage n’a en effet aucune inscription dans son casier judiciaire. À la question du tribunal, le jeune homme ne s’est pas opposé à la possibilité d’éventuels travaux d’intérêt général (TIG).
«La prochaine fois qu’on vous remet une carte bancaire, vérifiez que c’est bien la vôtre! C’est au moins la leçon à tirer de cette affaire», lui a lancé le président avant que l’affaire ne soit prise en délibéré. Prononcé le 4 février.
Fabienne Armborst