Le 6 avril au soir, deux frères garés sur un parking près de la gare à Bettembourg avaient été dépouillés par quatre individus. Grâce au butin, un premier suspect avait rapidement pu être localisé à Schifflange…
Il comptait fumer une cigarette avant de prendre le volant. Accompagné de son petit frère, il était garé ce 6 avril 2020, vers 21 h 45, sur un parking près de la gare à Bettembourg quand tout à coup un individu s’est approché et a frappé contre la vitre de leur voiture. «Il voulait que je lui passe une cigarette.» Et puis tout s’est enchaîné très vite, témoigne le jeune homme de 26 ans. «Un autre est monté à l’arrière, côté passager. Et il a pris mon frère par la gorge…»
Alors que son frère est victime d’une prise d’étranglement, lui raconte s’être retrouvé avec un couteau sous la gorge. Le premier individu avait entretemps pris place derrière lui. «Ils nous ont forcés à sortir toutes nos affaires» : les 260 euros dans le portefeuille, leurs portables, une ceinture Hermès, une montre Festina… et même une veste.
«Va chercher le fusil!»
Comme il n’aurait pas voulu lâcher tout de suite son «nouvel iPhone 11», le frère cadet, âgé alors de 16 ans, raconte avoir essuyé une baffe. Mais cela ne se serait pas arrêté là. En tout, ils seraient restés un quart d’heure sous l’emprise de leurs agresseurs. «Ils nous ont forcés à mettre les portable à zéro. Mais on ne réussissait pas.» À un moment, celui armé du couteau aurait dit à son acolyte : «Va chercher le fusil!» Et puis, deux autres hommes auraient débarqué. Ils auraient notamment fouillé le coffre avant que tous les quatre ne prennent la poudre d’escampette avec le butin.
L’aîné n’est pas près d’oublier le petit couteau de poche de couleur argentée. Quant aux visages des deux agresseurs qui avaient pris place dans l’habitacle, il s’en souvient aussi. Ce sont bien les deux hommes assis sur le banc des prévenus, a-t-il confirmé, jeudi après-midi, à la barre de la 9e chambre correctionnelle.
«Moi aussi j’ai tiré une à deux tafs»
Sans portable, les victimes n’avaient pu appeler les secours. Elles avaient alerté un agent sur le quai de la gare qui avait appelé la police. Mais c’est un des portables dérobés qui fournira finalement de précieux indices. Le soir même, en tentant de localiser son Samsung Galaxy S9, le frère aîné avait ainsi vu qu’il avait traversé Bettembourg sur une distance de 1,2 kilomètre. Le lendemain, entre 9 h 30 et 14 h, l’appareil était localisé à une adresse rue Pierre-Frieden à Schifflange. En analysant la composition du ménage, la police avait pu identifier un premier suspect. Par ailleurs, l’appel à témoins diffusé dans la presse avait permis de retracer un chauffeur de taxi qui avait déposé, autour de minuit, un homme dans une rue parallèle. Enfin, les caméras des CFL avaient permis de retracer l’arrivée en train de trois des jeunes hommes à Bettembourg.
Les deux jeunes hommes jugés jeudi après-midi se trouvent depuis leur arrestation en détention préventive à Schrassig. Qu’ils étaient sur les lieux ce soir-là, Karl (19 ans) et Silvere (22 ans) ne le contestent pas. Mais pour le reste, c’est une tout autre version qu’ils ont déballée : les deux frères auraient voulu acheter de la drogue. «Ils nous ont invités. « Vous avez un truc à goûter », a demandé le grand. Il l’a roulé, goûté… moi aussi j’ai tiré une à deux tafs.» C’est du «shit» qu’ils devaient vendre, précisera encore Silvere. Enfin, s’il avait sorti «le couteau suisse», c’est parce qu’il avait «paniqué».
Une sortie le soir en plein confinement…
Silvere raconte ensuite être retourné chez son ex. Karl aussi affirme être rentré seul chez lui. C’est à son adresse à Schifflange que le portable avait pu être localisé. Alors qu’il dormait déjà, il explique que l’un des deux autres acolytes qui n’est pas sur le banc des prévenus, l’avait rejoint pour lui montrer les deux portables et l’argent. Karl prétend avoir juste gardé l’iPhone au final. «Et l’argent, vous n’en vouliez pas?, s’est intéressée la présidente.
– Les billets étaient pleins de sang. Je suis sensible…»
«Karl avait un rôle strictement limité. Il devait juste accompagner le deal parce qu’il était plus grand. Il n’avait pas l’intention de commettre un vol ou une extorsion en montant dans la voiture», a renchéri son avocat, Me Paris, qui plaide l’acquittement. La défense est convaincue que les victimes ont dissimulé la vérité : «Pourquoi se trouvaient-elles en plein confinement sur ce parking? Un lundi soir à 41 km de leur domicile… Je pense que la version de la transaction de drogue tient la route.»
Suite et fin des débats le 17 décembre. Avant de lever l’audience, le tribunal a interrogé l’aîné des deux frères sur leur sortie en plein confinement. Sa réponse : «Ce soir-là, j’ai rendu visite à un ami à Bettembourg. Ce n’est pas une excuse. Je l’ai déjà reconnu à la police. Je sais que c’était une erreur…»
Fabienne Armborst