Comme en première instance, le ministère public requiert la peine maximale contre le policier qui a empoisonné sa sœur et son beau-frère le 25 septembre 2016 chez lui à Bereldange. Il n’est pas d’accord avec la défense qui demande entre 15 et 20 ans de réclusion.
«S’il avait prémédité la mort de sa sœur et de son beau-frère, avant d’appeler le 112, il aurait pu faire disparaître toutes les preuves qui parlent contre lui. Pourquoi n’a-t-il pas détruit son ordinateur? Sans ordinateur, on n’aurait pas pu retracer d’où venait le poison…» Pour l’avocat de la défense, Me Rosario Grasso, il y a une explication à tout cela. C’est que Gilles L. (30 ans) n’avait tout simplement pas l’intention de tuer ses invités le 25 septembre 2016 avec la substance qu’il avait commandée sur le darknet.
Ils venaient de prendre l’apéro sur la terrasse de son appartement à Bereldange, lorsque d’un seul coup, le couple a été pris d’un malaise. Il est mort foudroyé. Les secours dépêchés sur les lieux n’avaient rien pu faire. Grâce à l’analyse toxicologique, on sait que les victimes ont été empoisonnées au cyanure de potassium. Mais le prévenu lui clame avoir été convaincu, à l’époque, d’avoir versé dans leur gobelet quelques gouttes de toxine botulique. Une substance avec laquelle, il aurait juste voulu leur «pourrir» leurs vacances en Thaïlande.
Le trentenaire, condamné à la réclusion à vie en première instance, l’a répété à la barre de la Cour d’appel : «Je n’ai jamais eu l’intention de les tuer.» Avec son appel, le policier qui dort depuis fin septembre 2016 à Schrassig, espère obtenir une réduction de peine par une requalification des faits. L’article 404 du code pénal retient en effet : «Si les substances administrées volontairement, mais sans intention de donner la mort, l’ont pourtant causée, le coupable sera puni de la réclusion de 15 à 20 ans.» Et son avocat de dire : en donnant aux enquêteurs les mots de passe de son ordinateur, il a colloboré. Au vu de cette collaboration et son absence d’antécédents, la défense plaide en faveur d’une peine assortie d’un sursis. «Pas un sursis simple, mais une sursis probatoire avec l’obligation d’indemniser les parties civiles», a précisé Me Grasso.
La toxine botulique pour éviter tout soupçon?
Mais dans son réquisitoire lundi après-midi, le parquet général a très vite fait comprendre que cette affaire ne laissait entrevoir aucune circonstance atténuante. Et d’après son représentant, il y a une autre raison pour laquelle Gilles L. ne s’est pas débarrassé de son ordinateur à l’époque. Il le croit en effet sur le point qu’il n’a pas voulu acheter du cyanure de potassium, mais de la toxine botulique. Et ce pour une raison bien particulière. «Entre les deux substances, il existe quelques différences. Le cyanure de potassium agit directement, la toxine botulique est moins instantanée.» Et de poursuivre : «Avec la toxine botulique, ses invités ne se seraient pas morts dans son appartement à Bereldange, mais plus tard, chez eux à la maison ou peut-être lors de leurs vacances en Thaïlande… Les soupçons ne seraient donc sans doute jamais tombés sur lui.»
Gilles L. s’est procuré le poison sur le darknet en payant avec des bitcoins, donc dans l’anonymat le plus complet. Une manière qui ne colle pas, selon la partie poursuivante, s’il voulait juste provoquer des nausées et maux de ventre. Et quand on épluche l’historique de ses recherches sur internet : pas une trace sur la dose de toxine botulique à administrer pour qu’elle ne soit pas mortelle. Au contraire, on tombe sur des mots-clés comme «le meurtre parfait, mort silencieuse, poisons non détectables…»
Le parquet général constate également que les deux victimes sont mortes sur-le-champ alors que toutes deux n’avaient la même constitution corporelle. Un signe donc que Gilles L. n’aurait pas lésiné avec la dose de poison. Enfin, il y a son comportement après l’arrivée des secours. Il avait proposé de fouiller la voiture des victimes et d’aller voir aussi à leur domicile. «Peut-être était-ce pour mettre le flacon du poison au bon endroit?», s’interroge le parquetier. Le mobile d’après lui : Gilles L. n’aurait pas voulu partager l’héritage de sa mère décédée avec sa sœur.
«Si je le pouvais, je ferais marche arrière…»
Ce qui lui fait dire que Gilles L. avait bien l’intention de tuer. Et que les premiers juges ont donc retenu à juste titre le meurtre par empoisonnement : «L’article 397 du code pénal ne prévoit pas une fourchette de peines. Je vous demande de confirmer la réclusion à vie. Il n’y aucune circonstance atténuante.» Le parquet général demandera toutefois à la Cour d’appel de réformer le premier jugement sur un seul point. «Quand le prévenu ne mérite aucun sursis ou sursis probatoire, il faut le retenir explicitement.»
Gilles L. profitera de son dernier mot à la barre pour s’excuser auprès des proches des victimes assis dans le fond de la salle. «Je sais que mes excuses ne pourront jamais réduire la souffrance que j’ai causée.» Pour ses mots destinés au fils de son beau-frère, il passera même au français : «Je me déteste si je pense que tu as perdu ton père à cause de moi.» Sa dernière phrase, après s’être aussi excusé auprès de ses propres collègues : «Si je le pouvais, je ferais marche arrière…»
La Cour d’appel rendra son arrêt le 10 mars.
Fabienne Armborst
Couple empoisonné à Bereldange : le policier jugé en appel veut une peine moins lourde
Tous nos articles sur le procès en première instance à lire : ici