La chambre criminelle a reconnu coupable de meurtre le jeune homme auteur du coup de couteau mortel fin 2017. Le parquet avait requis 22 ans de réclusion. Il écope de 24 ans, dont huit avec sursis.
Acte de légitime défense ou meurtre ? C’est la question que la 13e chambre criminelle devait trancher.
«C’est vrai que j’ai porté deux coups de couteau ce jour-là. Mais je n’avais aucune intention de le tuer…» Jusqu’au bout, Ernol D., étudiant en droit, âgé de 26 ans aujourd’hui, l’aura répété à la barre. Quand il a poignardé avec un couteau son beau-père (36 ans) le 22 décembre 2017 chez eux à Dalheim, sa seule intention était de se défendre.
À l’arrivée de la police, Ernol D. présentait quatre blessures au torse : deux coupures et deux égratignures. En désarmant son beau-père dans le couloir, il avait évité le pire, avait-il expliqué. Mais une agression violente qui justifie son acte, comme il le prétend, le parquet n’en voyait pas.
La maison où s’est produit le drame a été passée au crible. Difficile toutefois de donner la chronologie de cette altercation mortelle en se basant sur les traces de sang recueillies.
Les traces de sang passées au crible
Ce qu’on sait toutefois, c’est que ce jour-là Ernol D. revenait à la maison après une longue nuit. À l’époque, plus rien n’allait : entre le climat familial tendu, sa consommation de drogues, les études de droit qu’il avait arrêtées… Bref, peu après qu’il eut franchi le pas de la porte, sa mère lui aurait fait comprendre que cela suffisait et qu’il fallait qu’il quitte le domicile familial. Il aurait voulu confronter son beau-père aux propos de sa mère. Ils auraient été dans le couloir. C’est là que tout aurait dérapé.
L’absence de sang dans les escaliers avait étonné l’expert en morphoanalyse des traces de sang. «Je n’ai aucune trace qui témoigne d’une quelconque blessure sur Ernol D. au rez-de-chaussée. Les seules traces qui témoignent des blessures de l’accusé se trouvent à l’étage de la maison.» D’où l’hypothèse qu’Ernol D. ait pu s’y blesser lui-même… Le couteau rose en céramique avait été retrouvé dans les draps de son lit.
Le couteau rose planté dans le cœur
L’origine de l’arme du crime avait elle aussi soulevé bien des questions lors des huit jours de procès. Selon Ernol D., le fameux couteau se trouvait sur la commode dans le couloir lors de l’altercation. Le beau-père s’en serait emparé pour lui infliger les blessures au torse. Or, quand on sait que le trentenaire avait un cutter dans sa poche, on peut se demander pourquoi il a eu besoin de s’en saisir. Un autre détail interrogeait : pourquoi le fourreau se trouvait-il dans la poche de pantalon d’Ernol D. quand on l’a soigné à l’hôpital ? L’ADN du beau-père n’a pas non plus pu y être mis en évidence.
Pour le parquet, impossible de faire jouer la légitime défense dans cette affaire. «Ernol D. dit avoir été étranglé. Mais le médecin légiste n’a décelé aucune trace de strangulation à son cou. Et sur les mains de son beau-père, il n’y avait pas son ADN.»
Toujours selon le parquet, l’emploi du couteau et la nature des blessures infligées à son beau-père ne laissaient entrevoir aucun doute sur l’intention d’Ernol D. «La blessure dans le bras jusqu’à l’os était impressionnante. Il aurait pu s’arrêter après ce coup. Non, il porte un deuxième coup dans la région du cœur. Un coup de 10 centimètres de profondeur.»
La CNAP se voit allouer 195 544 euros
Le parquet demandait la condamnation pour meurtre. C’est ce que la chambre criminelle a fait. Les juges ont retenu que ni la légitime défense ni l’excuse de la provocation n’étaient données. Et comme le ministère public, ils ont estimé que l’acte n’était pas prémédité. En revanche, ils ont prononcé une peine plus lourde que celle requise. Au lieu des 22 ans de réclusion demandés par le parquet, Ernol D. se voit infliger 24 ans de réclusion, dont huit avec sursis.
Enfin, le jeune homme doit indemniser la Caisse nationale d’assurance pension (CNAP) à hauteur de 195 544 euros. La somme correspond à la pension qui a été allouée à la veuve et aux deux orphelins. À cela s’ajoute une indemnité de procédure de 500 euros.
Ernol D. a passé 19 mois en détention préventive après avoir tué son beau-père. Aujourd’hui, il a 40 jours pour interjeter appel contre le jugement rendu jeudi après-midi.
Fabienne Armborst
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