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Braquage et séquestration à Eich : jusqu’à 24 ans requis contre le duo


Par ruse, le duo s'était introduit au domicile d'un homme d'affaires montée Saint-Crépin à Luxembourg, le 12 décembre 2012. Il avait joué au prétendu prince intéressé dans l'achat de montres de luxe et à son chef de sécurité. (Photo : archives lq/françois aussems)

Fin 2012, un homme d’affaires qui croyait recevoir un prince arabe pour lui vendre des montres de luxe s’était retrouvé face à deux braqueurs armés… La prétendue transaction de bijoux de luxe s’était terminée en un braquage avec séquestration et prise d’otage dans une fiduciaire rue de Mühlenbach. Mercredi, le parquet a requis 24 et 20 ans de prison contre les deux malfrats. Contre les deux autres prévenus poursuivis pour recel, 12 ans de prison ont été requis.

«L’histoire de la cupidité.» C’est le titre que le substitut principal Martine Wodelet avait choisi pour entamer son réquisitoire mercredi après-midi, au 9e jour de ce procès. «Il y a la cupidité de la part des auteurs et celle de certaines victimes. Les victimes sont meurtries à vie et les auteurs risquent de passer une bonne partie de leur vie en prison. Malheureusement, l’argent ne fait pas le bonheur…» Le ton était donné.

Très vite, elle a fait comprendre que le parquet était d’avis que les quatre prévenus ont formé une organisation criminelle. Une organisation structurée à la tête de laquelle elle place Redda B. (49 ans). Celui qu’elle n’a pas hésité à qualifier de «vieux renard dans le business» et de «chef organisateur». Au moment des faits, fin 2012, il était en cavale. Il s’était présenté dans un cabinet d’avocats parisien en tant que chef de la sécurité d’un jeune prince arabe voulant investir plusieurs milliards. On avait mordu à l’hameçon. Et l’histoire avait suivi son cours. «Tout le monde ouvre grand la porte à ce riche prince du Koweït.» Quand l’homme d’affaires avait ouvert sa porte le 12 décembre 2012 en fin d’après-midi, montée Saint-Crépin à Luxembourg-Eich, Redda B. avait montré son vrai visage. Ali A. (48 ans) aurait été son «homme de confiance» pour ce coup.

La défense avait tenté de démontrer que l’emploi de la violence n’était pas la priorité des deux braqueurs. La réplique du parquet : «Avec un gilet d’explosifs et deux pistolets, on n’a pas besoin d’être frappé pour obéir aux ordres des ravisseurs.»

À sa première victime, le duo avait réussi à extorquer 140 000 euros. Mais les deux ravisseurs ne s’étaient pas arrêtés là. Ils avaient obligé l’homme à réunir pour le lendemain des bijoutiers dans une fiduciaire située rue de Mühlenbach pour une vraie fausse vente. Les victimes avaient fini ligotées et bâillonnées dans la cave tandis que les braqueurs avaient pris la fuite avec un otage, une bonne quinzaine de montres de luxe et des bijoux. Leur valeur avait été estimée à 1,2 million sur le marché noir.

«Un showman qui a eu son heure de gloire»

C’est là qu’interviennent les deux autres hommes aujourd’hui sur le banc des prévenus : Daniel V. (33 ans) et Mohamed F. (38 ans). Ils n’avaient pas mis les pieds au Grand-Duché, mais c’est depuis l’Espagne qu’ils auraient joué un rôle dans cette organisation criminelle aux ramifications internationales. «On ne fait pas un tel coup si on n’a pas de circuit derrière pour écouler les bijoux», appuie la parquetière, qui est convaincue qu’ils ne pouvaient ignorer l’origine illicite des bijoux qu’ils avaient vus une première fois étalés dans une chambre d’hôtel à Paris.

Bijoutier à Marbella, Daniel V. avait écoulé le butin sur le marché noir. Mohamed F., pour sa part, aurait été plus qu’un simple chauffeur. «Il était le sous-lieutenant censé surveiller les affaires de Redda B.» Autant dire qu’il avait largement profité de l’argent de Redda B.

Avant d’en venir aux peines, le substitut principal n’aura pas manqué de revenir sur le personnage de Redda B. qui a passé la plus grande partie de sa vie en prison. «C’est un bon narrateur, un showman qui a eu son heure de gloire à la barre. Il a le don de mettre ses interlocuteurs en confiance, un peu comme un gourou. Mais votre chambre criminelle ne se fait pas aussi facilement embobiner!»

Son aveu à la barre ne vaut pas circonstance atténuante, estime le parquet. Traces ADN, bandes vidéo aux distributeurs d’argent et reconnaissance par les victimes avaient permis de confondre les braqueurs. «Rien ne sert de nier l’évidence.» Au vu de la gravité des faits et du traumatisme subi par les victimes, le parquet a finalement requis 24 ans de réclusion contre le quadragénaire. Le seul élément que la chambre criminelle pourrait prendre en considération au moment de la détermination de la peine, c’est les sept ans écoulés entre les faits et le procès.

Prononcé le 8 janvier

Même refrain pour Ali A., contre qui la parquetière réclamera au final 20 ans de réclusion. «Son casier judiciaire français est déjà assez bien fourni.» Elle n’épargnera pas non plus les deux prévenus Daniel V. et Mohamed F., poursuivis pour le recel. La peine demandée contre le duo sans antécédents spécifiques est de 12 ans de réclusion. «Même s’ils n’ont pas exercé de violence à l’égard des victimes, leur rôle est tout aussi important dans cette organisation criminelle.» À la différence de Redda B. et Ali A., ils ne sont plus en prison. Ils ont été libérés sous caution fin 2014.

La 13e chambre criminelle rendra son jugement le 8 janvier.

Fabienne Armborst

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