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Braquage et séquestration à Eich : «Ils nous ont ligotés avec des cravates»


Jusqu'au bout, les négociants de montres de luxe avaient cru rencontrer un prince pour une transaction de bijoux. (Photo : archives lq/Isabella Finzi)

Jeudi, au 3e jour du procès du braquage avec prise d’otage fin 2012, la 13e chambre criminelle a entendu le témoignage d’une des victimes séquestrées. Venu spécialement de Suisse pour vendre des montres de luxe à un prince arabe, le négociant avait fini ligoté dans la cave de la fiduciaire, rue de Mühlenbach…

«Ce n’est pas l’argent qu’ils m’ont volé ce jour-là, mais ma vie, ma santé.» Le père de famille âgé aujourd’hui de 42 ans qui a vécu le braquage avec séquestration dans la fiduciaire rue de Mühlenbach n’est pas près d’oublier cette fin de journée du 13 décembre 2012. Ce jour-là, il s’était spécialement rendu au Luxembourg depuis la Suisse. «La veille au soir, mon patron m’avait contacté pour dire qu’il avait eu un appel disant qu’il y avait un rendez-vous important avec un prince arabe. Ce dernier était prêt à dépenser plus de deux millions.»

C’est ainsi que l’employé avait pris la route avec quelque 16 montres haut de gamme. À entendre le témoin, à Genève, il était assez usuel de rencontrer d’éminents clients dans des hôtels pour ce type de vente. Même si, en général, on n’y voyait jamais le prince, mais plutôt toujours un responsable. À la demande de Me Stroesser, le témoin a précisé qu’ils prenaient des précautions en faisant des vérifications en amont. Comment cela s’était passé pour le Luxembourg, il ne pouvait le dire. En tout cas, c’était leur premier rendez-vous hors de Suisse.

Le témoin se souvient que l’attente dans la fiduciaire rue de Mühlenbach, le lieu de rendez-vous qu’on lui avait donné ainsi qu’à son agent commercial venant de Belgique, avait été longue.

Il n’y avait ni prince ni femmes aimées…

En fin d’après-midi, un «homme plus costaud» qui se présentait comme le «chef de la sécurité» du prince est finalement arrivé. Il s’est assuré qu’ils n’avaient pas d’armes et a commencé à s’intéresser à leur marchandise. «Il nous a expliqué qu’il connaissait bien le prince et ses goûts.» Il aurait joué son jeu à merveille en précommandant une vingtaine de montres. «Le prince aimait beaucoup de femmes, il voulait leur offrir des montres à toutes», leur a-t-il fait savoir.

Absolument rien ne leur avait mis la puce à l’oreille. Comme l’attente se faisait longue, le témoin raconte être descendu pour prendre l’air. C’est là qu’il aurait remarqué que la porte d’entrée était fermée à clé. Une mesure de sécurité, lui avait indiqué le fameux «chef de la sécurité».

C’était quelques secondes avant que ce dernier ne débarque avec un autre homme plus petit dans la salle où ils attendaient toujours avec leur gamme de montres. Le duo était armé. Lorsqu’ils avaient pointé leur pistolet, ils avaient compris : «Il n’y avait pas de prince. C’était un vol.» Ils s’étaient fait dépouiller leurs montres, leur argent, leurs portables et même la belle montre que le témoin portait alors au poignet.

«Si on ne faisait pas de bêtises, il n’y aurait pas de mal», leur avait lancé le plus petit qu’il a jugé comme étant le plus gentil dans son récit. N’empêche que sous la menace des armes, on les avait descendus à la cave… où les autres victimes étaient déjà ligotées. «Comme ils n’avaient plus de scotch, ils ont pris des cravates pour nous ligoter.»

«Sentiment de mort imminente»

«Malheureusement il n’y a pas de prix pour ce qui s’est passé», a indiqué le quadragénaire lorsque la présidente lui a demandé s’il voulait se constituer partie civile. Il réclamera au final 50 000 euros au titre du préjudice moral.

Ce n’est pas la seule victime qui porte des séquelles de ces faits. En début d’audience, un expert en psychiatrie a relevé un syndrome de stress post-traumatique chez trois autres victimes. Toutes les trois lui avaient confié avoir eu un «sentiment de mort imminente».

Le procès se poursuit ce vendredi matin avec l’audition de l’homme d’affaires qui avait été séquestré par le duo à son domicile, montée Saint-Crépin, dès le 12 décembre en fin d’après-midi. Les ravisseurs avaient exigé qu’il convoque les vendeurs de montres de luxe à la fiduciaire.

Les quatre hommes sur le banc des prévenus ont tous été arrêtés début 2013. Tandis qu’Ali A. (48 ans) et Redda B. (49 ans) sont poursuivis pour être les auteurs du braquage et de la prise d’otage, Mohamed F. (38 ans) et Daniel V. (33 ans) sont poursuivis pour avoir recelé les bijoux.

Fabienne Armborst

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