Le procès du braquage à Bertrange, lors duquel un convoyeur de fonds avait été abattu le 24 juin 1997, se poursuit. Joël C. assume son passé de braqueur en France. Il l’a répété, jeudi. Mais, d’après lui, le modus operandi du braquage au City Concorde n’était pas celui de ses hold-up.
«Vous avez expliqué que vous achetiez des perruques. Si vous les revendiez ensuite, ça servait à quoi de voir si elles vous allaient bien. Ça n’a aucun sens…» Les fameuses perruques que Joël C. prétend avoir achetées dans un magasin de perruques près du boulevard de Strasbourg à Paris pour ensuite les revendre auront de nouveau dominé une partie des débats. Le prévenu campera sur sa position. Oui, il essayait bien toutes ces perruques. Mais la présidente de la 13e chambre criminelle n’a pas lâché prise : «Vous dites que vous essayiez les perruques, vous essayiez aussi les barbes postiches?»
– «Pas toutes, car sinon il fallait remettre de la colle.» Il précisera que la barbe postiche dont les traces ADN avaient permis de l’identifier, vraisemblablement, il l’avait portée un jour pour aller au bureau afin de faire une blague à ses collègues. «Vous avez une réponse à tout!», finira par lâcher la présidente avant que le parquet prenne la relève et le rende attentif au fait que lors de son arrestation en 1998 dans le cadre d’une autre affaire il avait déclaré acheter ses perruques «dans un magasin de farces»…
« Pourquoi ne pas dire la vérité? »
De nouveau, Joël C. avait une explication : «Peut-être que je ne voulais pas qu’ils sachent où je les avais achetées?» «Et pourquoi ne pas dire la vérité sur des questions qui n’ont pas d’importance?», l’a relancé la présidente.
– «Je ne peux pas vous dire…»
Tout au long des débats, Joël C. n’a jamais caché son passé de braqueur en France. À 64 ans, son casier renseigne déjà 67 ans de prison…, mais il ne partage absolument pas l’analyse de l’enquêteur luxembourgeois. Ce dernier a relevé certaines ressemblances entre les deux hold-up qu’il a commis dans le sud de la France fin 1997 et le braquage au City Concorde. Notamment parce que les braqueurs portaient des perruques. «En France, on était deux, on a attaqué des banques. Et il n’y a pas eu de violence.» Même refrain pour les faits commis en 2008. «À l’époque les objets ont été jetés dans un fleuve. Ici c’était dans un ruisseau», a-t-il insisté avant de marteler : «Il n’y a pas de similitudes avec ce que j’ai fait toute ma vie sans violence. Je n’ai jamais attaqué de convoyeur de fonds. Moi, je n’ai jamais tiré…»
«Je n’aurais pas donné de coup de crosse»
Quand la présidente l’a confronté à la description de l’auteur numéro 1 – le plus grand–, celui qui a donné le coup de crosse au convoyeur de fonds et celui qui aurait tiré par terre pour faire peur, la réaction de Joël C. n’a pas tardé. Il a répondu du tac au tac : «Je sais que je n’aurais pas donné de coup de crosse. Je lui aurais arraché la mallette. À l’époque, je faisais 102 kg…» Mais très vite, il a coupé court à ses explications. Et il a pris place sur le banc des prévenus sans que la chambre criminelle ne l’y invite : «Je ne rajoute rien parce que je vais encore m’enfoncer.» C’étaient ses derniers mots.
La parole était à son avocat. Me Philippe Penning a commencé par invoquer le dépassement du délai raisonnable : «Plus de 20 ans après les faits, il n’est pas possible de connaître ses jours de travail afin de produire un alibi irréfutable!» Tour à tour, la défense aura passé en revue les différents indices dans le dossier. Selon elle, les traces ADN retrouvées sur trois pièces à conviction ne prouvent en rien la participation de Joël C. au braquage : «Ni le pull bleu ni la barbe n’ont été vus sur les lieux du crime.»
Le braquage «ne colle pas avec sa façon de faire»
Son passé judiciaire en France non plus ne pourrait constituer une preuve de culpabilité : «Ni le modus operandi ni la cible ne collent à sa façon de faire.»
Quant aux fameuses lettres rédigées en 2013 dans lesquelles il demande qu’on atteste qu’il n’aurait manqué aucune journée de travail en 1997 elles n’auraient pas servi à produire un alibi pour le Luxembourg. «S’il a voulu se fabriquer un faux alibi, c’est au juge de Luxembourg et non à celui de Périgueux qu’il aurait dû l’envoyer», argue Me Penning. Deux ex-comparses avaient chargé Joël C. lors de l’instruction. Ces dépositions ne sont pas crédibles, estime enfin Me Penning. «On a inventé des choses pour noircir Joël C.» Sa conclusion : «Je vous demande de prononcer l’acquittement.»
Rendez-vous ce vendredi pour le réquisitoire du parquet.
Fabienne Armborst