Accueil | Police-Justice | Bonnevoie : l’appart devient lieu de prostitution

Bonnevoie : l’appart devient lieu de prostitution


Pour avoir incité à la prostitution des hommes et des femmes en situation vulnérable, une quadragénaire comparaît depuis mercredi devant le tribunal correctionnel (Photo : Editpress).

Un locataire d’un appartement à Bonnevoie et sa sous-locataire sont poursuivis pour avoir encaissé des sommes importantes entre juin 2014 et fin 2016. Les explications ont débuté mercredi devant le tribunal correctionnel de Luxembourg.

« Si j’avais su que cela me conduirait en prison, je serais allée habiter dans la rue.» Depuis novembre 2017, date à laquelle elle a été extradée du Portugal, Maria* (44 ans) se trouve en détention préventive. Les faits pour lesquels elle comparaît depuis mercredi devant la 12e chambre correctionnelle se sont produits entre juin 2014 et fin 2016.

Le parquet lui reproche d’avoir abusé, pendant plus de deux ans, de la situation particulièrement vulnérable d’un certain nombre de femmes et hommes. Des personnes pour la plupart d’origine brésilienne sans titre de séjour et qui ne parlaient pas les langues du pays qu’elle aurait incitées à se prostituer, car elles n’avaient pas d’autre source de revenu. Pour ce faire, elle mettait à leur disposition l’appartement qu’elle sous-louait à Bonnevoie. Elle aurait encaissé entre 100 et 300 euros par semaine et par personne. Si l’on suit les calculs de l’enquêteur de la police judiciaire qui se base sur les déclarations des témoins entre juillet 2014 et mai 2015, elle aurait ainsi gagné au moins 15 600 euros.
Les autorités avaient été saisies de cette affaire à l’automne 2014. Visiblement des habitants du quartier s’étaient plaints que des personnes se prostituaient dans un immeuble à Bonnevoie. Un certain va-et-vient avait été observé.

«Je n’ai pas profité de l’argent des filles»

Après avoir entendu le propriétaire de l’immeuble et certains voisins, la police avait effectué un premier contrôle en janvier 2015. Dans l’appartement au premier étage, les agents avaient découvert une chambre sommairement meublée, une chambre fermée à clé et deux matelas dans la cuisine. Une des femmes présentes avait confirmé qu’elle devait payer 300 euros pour y habiter et travailler. La dame qui encaissait l’argent n’était toutefois pas présente. «Les occupants nous ont conseillé d’appeler le numéro de l’annonce du Luxbazar pour la joindre», se souvient l’enquêteur.

Lors d’un second contrôle mi-mai 2015, elle leur avait ouvert la porte. Elle n’avait jamais eu le but de s’enrichir sur le dos des prostituées qu’elle hébergeait, avait-elle déclaré. «Non je n’ai pas profité de l’argent des filles», a-t-elle répété mercredi à la barre. Si elle avait accueilli des personnes chez elle, c’est qu’elle avait «peur d’être seule dans l’appartement : car travailler dans la prostitution est très dangereux».

Mais, d’après l’enquêteur, «toutes les déclarations des femmes entendues prouvent qu’elle a bien touché de l’argent». Et même après le passage de la police, elle aurait poursuivi ses activités. Car lors de la perquisition en février 2016, il raconte être tombé sur deux personnes qui leur ont dit chacune virer 600 euros à Maria. «On part du principe qu’elle s’est servie de cet argent pour démarrer une autre vie au Portugal», conclut l’enquêteur. Pendant de longs mois, la quadragénaire est restée introuvable jusqu’à ce qu’elle soit extradée du Portugal fin 2017.

Pedro* (65 ans), qui l’accompagne aujourd’hui sur le banc des prévenus, est l’homme qui lui avait sous-loué l’appartement en juin 2014. Selon certaines déclarations, il aurait augmenté le loyer quand il a su qu’il y avait de la prostitution. Le loyer mensuel serait ainsi passé de 1 400 euros à 2 000 euros.

À la barre mercredi après-midi, le sexagénaire ne voulait rien savoir des activités de sa sous-locataire : «Je n’ai jamais remarqué que Madame se livrait à la prostitution.» Il lui aurait «loué» l’appartement après avoir apposé une annonce sur la fenêtre. «Quand Madame s’est présentée, je lui ai dit que je louais seulement à une personne qui avait un CDI. Comme elle m’en a présenté un, j’ai dit « OK ».»

Ce n’est pas tout à fait la version de Maria. Elle déclare avoir fait connaissance de son futur locataire via un bon copain de ce dernier… qui était son client.
Suite du procès ce jeudi avec les plaidoiries de la défense et le réquisitoire du parquet.

* Les prénoms ont été modifiés.

Fabienne Armborst