Stella, Yann et Jason sont suspectés d’avoir maltraité un bébé. Les preuves à charge manquent. Huit ans après les faits, personne ne semble vouloir reconnaître les faits.
Un nourrisson qui pleure et ne s’arrête plus de pleurer. Des jeunes parents qui, inquiets, décident d’emmener leur enfant à l’hôpital pour découvrir qu’il a peut-être pu être maltraité. Un hématome qui n’était pas là lors de la dernière visite médicale quelques jours plus tôt déclenche la machine judiciaire. Des blessures antérieures à l’hématome – une fracture de la clavicule notamment – sont découvertes.
Stella et Yann sont les premiers suspects. Jason, le compagnon de Cindy à l’époque, la sœur de Stella, est lui aussi soupçonné. L’affaire remonte à 2013. Les deux hommes auraient été seuls à la maison avec l’enfant. Il se serait mis à pleurer. Jason l’aurait sorti de son youpala, l’aurait pris dans ses bras et aurait marché avec lui pour le calmer en attendant que son père revienne des toilettes. Il lui aurait ensuite remis le petit Sydney. En jeune papa consciencieux, Yann aurait tenté de trouver la cause du malaise de son fils. «Il faisait des coliques. J’ai essayé de le soulager», dira le père à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ce lundi. Ce n’est que quand les deux sœurs sont revenues de leur soirée que la décision sera prise d’aller à l’hôpital.
Aucun des trois prévenus n’aurait vu les autres avoir un geste violent envers l’enfant et aucun des trois n’en aurait eu. Jason avait indiqué à l’époque à Cindy et aux enquêteurs que le bébé lui avait glissé des mains, mais qu’il l’avait rattrapé de justesse avant qu’il ne tombe. À la barre ce lundi, il a indiqué avoir dit cela aux enquêteurs sous la pression du grand-père de l’enfant. «J’ai raconté cette histoire parce que le grand-père a dit que si personne ne disait rien, on nous enlèverait nos enfants, explique Jason. «Cindy était enceinte de notre première fille. Je ne voulais pas qu’elle paye pour quelque chose qu’elle n’avait pas fait.»
Jason aurait donc menti. L’ennui, ce sont les blessures plus anciennes trouvées par les médecins sur le corps de l’enfant. Il n’y aurait pas eu qu’un seul acte de négligence ou de maltraitance, souligne le procureur qui interroge Yann à ce sujet. Le papa du petit Sydney répond que Jason et Cindy étaient souvent chez eux et s’occupaient du bébé pendant la période durant laquelle les blessures ont pu être causées. «Mais je ne peux pas affirmer que Jason les a causées, je n’ai rien vu», précise le trentenaire en survêtement bleu.
Acquittement requis pour les prévenus
Jason conteste fermement par la voix de son avocat, Me Says, qui avance l’argument du faux témoignage. De plus, dit-il, les experts judiciaires nommés pour examiner les blessures de l’enfant les auraient jugées incompatibles avec la version des faits du jeune homme, selon l’homme de loi. «Nous n’avons aucun élément probant l’accusant», lance-t-il avant de demander l’acquittement de son client. Me Marques Dos Santos, l’avocat des parents, avance les mêmes arguments et plaide, lui aussi, en faveur d’un acquittement pour ses clients.
«Ce sont des parents qui font tout ce qu’ils peuvent pour leurs enfants. Ils vont souvent à l’hôpital et sont très prudents, note-t-il. L’enfant n’a pas de séquelles.» Au contraire, huit ans après les faits, il serait en bonne santé et très bon élève. «On ne sait toujours pas ce qui s’est passé et on ne le saura sans doute jamais», poursuit l’avocat qui espère que le bénéfice du doute pourra profiter à ses clients. Comme son confrère, il plaide le dépassement du délai raisonnable endéans lequel un procès doit avoir lieu pour tenter d’obtenir une réduction de peine si une peine devait être prononcée.
Le représentant du ministère public à qui revient la charge de la preuve – mais qui dit ne pas en avoir dans cette affaire – requiert également l’acquittement pour les trois prévenus. Il part du principe que dans l’énervement ou la fatigue, face à un bébé en pleurs, sans s’en rendre compte, l’un ou l’autre ait pu avoir un geste malvenu et malheureux envers l’enfant.
L’affaire est prise en délibéré par la 9e chambre criminelle. Le prononcé est fixé au 19 octobre.
Sophie Kieffer