Poursuivi pour attentats à la pudeur sur son beau-fils mineur, le quadragénaire a nié en bloc à la barre de la chambre criminelle : «Je jure devant Dieu que je n’ai rien fait.» Mais pour le parquet, ce n’est pas juste un parole contre parole. Car il y a ces SMS compromettants…
C’est d’une manière peu habituelle que cette affaire d’attouchements dont est saisie la 13e chambre criminelle avait éclaté au grand jour. «On peut presque parler de hasard. Car ce n’est ni la victime ni la mère qui ont pris l’initiative», résumait ainsi la représentante du parquet, mercredi après-midi, dans son réquisitoire. Tout a débuté par un SMS que le prévenu avait envoyé à une collègue de travail un soir vers 19 h en 2016. Il y écrivait avoir «fait quelque chose que beaucoup considéreraient comme malade». «Je me suis amusé hier avec mon beau-fils», avait-il par ailleurs écrit à cette collègue avec laquelle il échangeait de temps à autre des messages. L’intégralité de la conversation figure au dossier. La collègue connaissant la famille, qui habite dans l’est du pays, n’avait en effet pas tardé de la faire suivre à la mère, qui avait porté plainte à la police.
Mais ce n’est que début novembre 2017 que l’affaire atterrira entre les mains de la section protection de la jeunesse de la police judiciaire. Car le fils s’était tu lors de la plainte le 3 novembre 2016. «Parce qu’il avait honte» et «qu’il essayait de refouler le tout», comme il ne manquera pas de le dire face à la chambre criminelle. Âgé aujourd’hui de 18 ans, il a tenu à venir témoigner à la barre.
Le détail des vêtements mouillés
La première fois que l’adolescent avait commencé à en parler, c’était à l’été 2017. C’était avec l’avocat chargé de représenter ses intérêts dans le cadre de la procédure de divorce. En abordant la relation avec son beau-père, le mineur avait évoqué non seulement les cadeaux qu’il avait reçus, mais aussi des incidents dans la salle de bains pendant que sa mère promenait les chiens : son beau-père, qui lui donnait le bain, l’y aurait ainsi régulièrement accompagné avec ses vêtements. Il arrivait aussi qu’il le mette habillé dans l’eau… Non sans difficultés, il avait fini par parler des attouchements et masturbations. La dernière fois aurait été quand il avait entre 10 et 11 ans. À l’époque, il aurait saisi tout son courage pour lui faire comprendre verbalement qu’il ne devait plus recommencer.
Lors de son audition à la police, le beau-père avait contesté en bloc. Son explication : son ex, qui lui veut du mal, aurait initié le tout. «Mais cette histoire de complot ne colle pas. Car la mère n’a rien su jusqu’en 2016 quand la collègue lui a parlé du SMS», relève l’enquêteur. Et d’ailleurs, après leur séparation en 2012, ils avaient gardé de bons contacts.
Le refrain du prévenu de 42 ans n’avait pas changé à l’ouverture de son procès mardi : «Je n’ai rien fait avec ce garçon. Je peux dormir tranquillement le soir. Je vous dis la vérité à 200 %…» Le quadragénaire, qui a entretemps refait sa vie, n’avait pas manqué de préciser : «Ma fiancée, avec laquelle je vis depuis quatre ans, a aussi trois enfants. Là non plus, rien ne s’est passé…»
«Je jure devant Dieu que je n’ai rien fait», dira-t-il encore mercredi. Mais il n’avait pas d’explication pour les fameux SMS. «Je ne peux pas me l’expliquer.» Il n’a pas eu l’occasion de ressortir l’explication selon laquelle il avait bu huit canettes de bière, soit quatre litres d’alcool, quand il a rédigé ces messages. La chambre criminelle l’a devancé, lui disant que cela ne tenait pas la route vu l’absence de fautes d’orthographe… «Jamais vous ne dites que ce que vous avez écrit n’est pas vrai», ne manquera pas non plus de lui faire remarquer la présidente. Le quadragénaire restera sans explication. Tout ce qu’il réussira à glisser, c’est que ce n’était peut-être pas lui l’auteur des SMS…
15 images pédopornographiques
«Peut-être a-t-il vécu un mauvais moment et qu’il a dû s’épancher sur ce qu’il avait sur le cœur?», laissera entrevoir la parquetière dans son réquisitoire. Et d’appuyer : «Ce n’est pas une affaire de parole contre parole. Il y a toute une série d’indices qui corroborent les déclarations cohérentes de la victime.» Outre les SMS, il y a le fait que l’histoire relatée par l’adolescent colle au comportement fétichiste du prévenu décelé par l’expert neuropsychiatre : sa préférence pour les vêtements mouillés.
Lors de la perquisition à son domicile en Allemagne, la police avait aussi saisi un ordinateur avec 15 images pédopornographiques. Problème : l’appareil a à la fois été utilisé par le prévenu et son père. Comme les photos étaient toutes effacées, leur date n’a pas pu être retracée. Raison pour laquelle le parquet se rapporte à la sagesse du tribunal pour cette infraction.
«C’est une personne dangereuse»
Mais pour les attentats à la pudeur, pas de doute sur la culpabilité du prévenu. À la différence de Me Daniel Scheerer qui avait plaidé l’acquittement. Ses fantasmes n’ont aucune influence sur son discernement, avait conclu l’expert en émettant un pronostic «très réservé». «C’est une personne dangereuse, car il n’est pas conscient qu’il a un problème», martèlera la parquetière. «La victime s’est vu prendre son adolescence par la personne qui occupait le rôle de père.» Du dossier, il ressort qu’à la suite de troubles du comportement il avait séjourné en foyer, en psychiatrie juvénile, avant d’intégrer un internat. Au vu de la gravité des faits, elle requerra neuf ans de réclusion. «Je demanderais bien une thérapie. Mais s’il dit n’avoir rien fait, cela ne sert à rien…»
Les derniers mots du prévenu à la barre : «Ces SMS, je les ai peut-être écrits…» C’en était trop pour Me Jean-Jacques Schonckert, qui intervenait pour l’adolescent et sa mère dans le procès. Il quittera démonstrativement la salle. «Je les ai écrits», finira par dire le prévenu dans un nouvel élan. Mais ce n’est pas pour autant qu’il aurait fait quelque chose avec son beau-fils : «J’ai pris beaucoup d’alcool et de médicaments, mais je ne l’ai jamais touché.»
Prononcé le 22 juillet.
Fabienne Armborst