Lorsque le jeune homme a mortellement blessé son beau-père à Dalheim fin 2017, il n’était pas seul à la maison. Il y avait sa mère et un ouvrier. Les deux témoins ont été entendus mardi, au 5e jour du procès, par la chambre criminelle.
Que s’est-il exactement passé le 22 décembre 2017 en début d’après-midi à Dalheim quand Ernol D., 23 ans, a planté un couteau dans le cœur de son beau-père? Y a-t-il eu légitime défense comme le prétend le prévenu? Depuis la semaine dernière, cette question occupe la 13e chambre criminelle.
L’ouvrier qui travaillait à la cave se souvient comment, quelques minutes avant le drame, Ernol D. était apparu en haut des escaliers. Il avait appelé son beau-père. Une première fois, puis une seconde fois. Ils auraient conversé en yougoslave, une langue qu’il ne comprenait pas. Mais il lui semble que le beau-père avait répondu d’une façon assez ferme. Et puis il avait fini par monter en courant. Ce qui s’est passé après, l’ouvrier ne le sait pas. Le jour des faits, il avait déclaré à la police avoir entendu deux hommes crier à l’étage, mardi matin à la barre l’unique souvenir qu’il avait c’était qu’il avait entendu l’épouse. Et puis un bruit. Peut-être une chaise ou une table…
Toujours est-il que quand le beau-père est redescendu, il était «plein de sang» : «Il m’a dit : “Appelle l’ambulance, car il m’a poignardé.”» Pendant qu’il appelait les secours, l’ouvrier raconte avoir aperçu Ernol D. auquel il aurait lancé : «Tu as vu ce que tu lui as fait?» Sa réponse : «Et moi alors… Regarde-moi!»
«Cela suffit. Maintenant, tu quittes la maison!»
Au 5e jour du procès mardi matin, la chambre criminelle a également entendu la mère. Elle se trouvait au même étage lors de l’altercation entre son fils et son mari. De ses propres yeux, elle dit aussi avoir vu comment ce dernier avait «poussé de ses mains avec toute sa force» Ernol D. en lui disant : «Cela suffit. Maintenant, tu quittes la maison!» D’après la mère, Ernol D. n’aurait pas montré de réaction défensive. Il lui aurait paru «plutôt apeuré» : «J’ai vu la peur dans ses yeux.»
Qu’il y ait eu un couteau rose qui traînait sur la commode du couloir d’entrée, elle ne se rappelle pas. C’est en effet à cet endroit que se trouvait, selon Ernol D., l’arme du crime avec lequel son beau-père l’aurait blessé avant que lui-même s’en saisisse… Mais de tout cela, la mère ne peut dire grand-chose. Car elle se serait éclipsée dans la cuisine pour téléphoner. Elle pensait d’abord à la police, mais c’est finalement sa sœur qu’elle avait appelée. À part un «boum, boum, boum», les détails de la rixe mortelle lui échappent. Et quand elle a revu son mari, ce dernier lui aurait dit : «Appelle l’ambulance!»
«Quand je me suis retournée, j’ai vu Ernol avec le couteau dans la main», poursuit la mère prise par l’émotion. Sa voix tremble légèrement quand elle retrace la scène. Elle se souvient aussi avoir jeté une chaise sur son fils. «Est-ce que vous avez constaté quelque chose sur les vêtements de votre fils?», voulait savoir la présidente. À la police, la mère avait en effet dit qu’il avait quitté le salon avec une «chemise propre». Et d’ajouter : «Je pense qu’il s’est blessé lui-même pour faire semblant que mon mari l’avait attaqué.» Ses mots hier : «À l’époque, j’étais tellement troublée. «“Peut-être s’est-il blessé“, ai-je dit. Mais je ne l’ai pas vu.»
Mystère autour d’une pizza
Ce que la mère sait toutefois c’est que la relation avec Ernol D. était tendue. «C’était un garçon très bien. Mais les derniers temps il avait beaucoup changé.» Elle-même le soupçonnait aussi de prendre de la drogue. C’est donc ce 22 décembre 2017 qu’elle lui avait annoncé que cela suffisait, qu’il devait prendre ses affaires et quitter la maison familiale. Cette discussion avait eu lieu en partie au premier étage où Ernol D. s’était retiré pour manger une pizza dans sa chambre. Mais visiblement, il n’y était pas resté très longtemps. Il était vite redescendu pour parler à son beau-père. À l’arrivée de la police, la plaque avec la pizza se trouvait toujours à l’étage dans les escaliers.
Lors de la reconstitution, la mère avait toutefois affirmé qu’à la levée des scellés sur la maison – cinq jours après les faits –, la pizza se trouvait dans le micro-ondes. Interrogée mardi, elle n’a su livrer aucune explication pour cela. «Cela reste donc un mystère comment la pizza a atterri dans le four à micro-ondes…», remarquera la présidente. Un mystère parmi d’autres dans cette affaire.
Le procès se poursuivra avec l’audition de l’expert en morphoanalyse des traces de sang. C’est celui qui dit que le scénario avancé par le prévenu Ernol D., qui prétend s’être défendu avec le couteau après avoir été blessé, est problématique. «Entre le moment où il dit être blessé et l’endroit où on retrouve ses traces de sang à l’étage il y a beaucoup d’évènements. Avec les gestes brusques dans le salon, l’hémorragie avait le temps de s’installer et d’imprégner sa chemise… On ne retrouve aucune trace de sang dans la cage d’escalier. Mais il saigne quand il est à l’étage.» D’où l’hypothèse qu’il ait pu se blesser lui-même…
L’expert français n’étant pas disponible avant le mercredi 17 février, le procès est suspendu pendant une semaine.
Fabienne Armborst
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