Le jeune homme qui a poignardé son beau-père fin 2017 est étudiant en droit. À l’arrivée de la police, c’est comme s’il avait récité sa leçon de légitime défense. Voilà le constat du 3e jour du procès.
«Mon fils, il a…» Il avait fallu plusieurs minutes aux secours pour comprendre ce qui venait de se passer ce 22 décembre 2017 à Dalheim. Quand à 13 h 01 le premier appel entre au 112, c’est d’abord un ouvrier qui travaillait au sous-sol de la maison au moment du drame qui se trouve au bout du fil. Mais il a du mal à faire passer le message à cause de la langue.
Quand la femme de la victime mortellement blessée prend l’appareil, la communication finit par couper. Une voisine recompose le numéro sans trop savoir ce qu’elle doit dire. Et puis Ernol D. prend la parole : «Venez vite. Il est entre la vie et la mort… Nous nous sommes coupés lors d’une altercation… Coupure… il va bientôt mourir… Une minute, sinon c’est terminé.»
Pendant une demi-heure, avec un défibrillateur, les ambulanciers tenteront de sauver la victime de 36 ans. Pendant ce temps, Ernol D. (23 ans) est torse nu, à l’intérieur de la maison, dans le salon. «Il était nerveux, difficile pour l’ambulancier de soigner ses blessures», se souvient bien l’un des agents entendus jeudi après-midi au troisième jour du procès. Avec son collègue, il avait vite constaté en arrivant sur les lieux que le jeune homme, qui se trouve aujourd’hui sur le banc des prévenus, était sous l’influence de drogues.
Mais ce qui l’avait particulièrement marqué c’est sa remarque qu’il était «étudiant en droit» et qu’il «savait de quoi il s’agit». Oui c’est bien ce qu’il avait dit, confirmera le policier sur question de la chambre criminelle. «Il a parlé d’une dispute lors de laquelle il aurait pu se défendre. Il aurait réussi à prendre le couteau» à son agresseur.
«On a l’impression qu’on ouvre un manuel de droit»
Appelée en renfort, la police judiciaire avait retrouvé l’arme ensanglantée à l’étage entre les draps dans un lit. Ernol D. avait été interrogé le soir même en sortant de l’hôpital. À entendre l’enquêteur, de nouveau il avait indiqué suivre des cours de droit. Et par la suite, toujours cette légitime défense. «On a l’impression qu’on ouvre un manuel de droit quand on lit votre audition. Je ne pourrais pas si bien réciter la légitime défense comme vous… Cela met la puce à l’oreille», remarquera d’ailleurs jeudi la présidente.
Dans son interrogatoire, Ernol D. dit avoir notamment avoir «craint pour sa vie» quand son beau-père s’est emparé du couteau. «Il m’a dit qu’il est mon chef, car j’habite dans sa maison.» À l’origine de la violente altercation, il y aurait eu cette année sabbatique qu’il se faisait sans travailler et rythmée par des fêtes… «Il voulait me voir saigner.» Quand Ernol D. raconte s’être emparé de l’arme après avoir été blessé, pour lui, il n’y aurait pas eu d’autre «solution» que de «terminer la vie» de son beau-père. «Je l’ai piqué environ trois fois.»
Ce qui complique la chose dans cette affaire, c’est que la mère d’Ernol D. a déclaré tout le contraire à la police. D’après elle, son fils avait quitté le salon avec une «chemise bleue et propre». Et d’ajouter : «Je pense qu’il s’est blessé lui-même pour faire semblant que mon mari l’a également attaqué. Mais je vous confirme que mon mari n’avait pas de couteau en main.» Confronté à ces déclarations, Ernol D. avait répondu : «Cela est inventé de toutes pièces. Je veux être examiné par un médecin légiste.» Ce dernier a certes constaté que ses blessures ne ressemblent pas à l’image typique d’une automutilation. Il n’a toutefois pas non plus pu exclure cette l’hypothèse…
Chemise propre ou ensanglantée?
Mais aussi l’arme du crime soulève bien des questions. D’après l’enquête, juste Ernol D. indique que le fameux couteau se trouvait sur la commode dans le couloir. Or quand on sait que le beau-père avait un cutter dans sa poche, on peut se demander pourquoi il avait besoin de s’en saisir. Un autre détail qui interroge : pourquoi quand la police est arrivée le fourreau se trouvait dans la poche de pantalon d’Ernol D.? L’ADN de la victime n’y a pas pu être mis en évidence.
Et pourquoi le demi-frère d’Ernol D., âgé de 8 ans, déclare l’avoir vu remonter les escaliers avec «le couteau rose et une chemise ensanglantée». Tandis que celui de 13 ans affirme, comme la mère, l’avoir aperçu avec sa «chemise bleue et propre»… Autant de questions que la 13e chambre criminelle tentera d’élucider lors des prochaines audiences. Car elle devra trancher au final : meurtre avec éventuelle préméditation ou acte de légitime défense?
Le procès se poursuit ce vendredi matin.
Fabienne Armborst
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