Quand il a poignardé son beau-père avec un couteau fin 2017, c’était un acte de légitime défense. À la barre de la chambre criminelle, le prévenu, qui est étudiant en droit, a longuement plaidé sa cause. Son avocat demande l’acquittement.
«C’était mon impression qu’il voulait m’étrangler. Si a posteriori le médecin légiste constate qu’il n’y a pas eu de tentative d’étranglement, c’est parce que je me suis défendu.» C’est sur ces mots qu’on avait quitté mercredi en début de soirée la salle d’audience.
À la barre de la 13e chambre criminelle, Ernol D. venait de raconter comment son beau-père l’avait pris par le cou, poussé violemment contre la porte de leur domicile à Dalheim… Mais comment le couteau en céramique rose, avec lequel il a finalement poignardé son beau-père, a atterri ce 22 décembre 2017 entre ses mains, on n’en avait pas encore parlé. Cela a toute son importance dans cette affaire. Car le prévenu, âgé aujourd’hui de 26 ans, invoque la légitime défense. On se souvient de ses premiers mots à l’ouverture de son procès début février : «C’est vrai que j’ai porté deux coups de couteau ce jour-là. Malheureusement, l’un a causé la mort. Mais ce n’était pas mon intention de le tuer.»
«Vous invoquez la légitime défense. Alors il faut que nous comprenions ce qui s’est passé», l’a donc relancé la présidente, jeudi après-midi, au début de cette 7e journée du procès. L’origine du couteau soulève bien des questions. D’après l’enquête, uniquement Ernol D. indique en effet que l’objet se trouvait sur une commode dans le couloir. Mais quand on sait que sa mère affirme qu’il était monté juste avant l’altercation manger une pizza dans sa chambre et qu’une plaque à pizza a été retrouvée à l’étage… il y a une autre hypothèse qui se dégage : celle qu’Ernol D. avait peut-être déjà le couteau sur lui quand il a appelé son beau-père pour le confronter à des propos.
«J’avais peur. Il m’a dit : “Tu va saigner maintenant”»
«Pourquoi votre beau-père se serait-il saisi d’un couteau sur la commode alors qu’on sait qu’il avait un cutter dans sa poche de pantalon?», questionne la présidente. «Je ne sais pas», répond simplement le prévenu. Mais ce dont il est certain, c’est que son beau-père voulait l’«achever».
Et pourquoi le fourreau du couteau se trouvait-il toujours dans la poche de pantalon d’Ernol D. quand la police a saisi ses vêtements? Pour Ernol D., il y a une explication à toute cela : c’est parce qu’il l’a ramassé par terre. «Alors que votre beau-père se trouve devant vous avec le couteau?», s’étonne la présidente. Il aurait plus pensé à une «démonstration de force» de son beau-père, explique Ernol D. Voilà pourquoi il aurait continué à l’insulter. «Je ne pensais pas à une telle violence. Je ne pouvais imaginer qu’il irait si loin… Il m’a piqué quatre fois dans le torse.»
«Deux fois, j’ai pu l’esquiver», précise encore Ernol D. Ce qui expliquerait ses deux égratignures… Et puis, il aurait profité d’un moment d’hésitation de son beau-père pour le désarmer. «Je lui ai donné un coup de boule. Il a perdu l’équilibre. J’ai saisi le couteau…» Le premier coup transpercera le bras jusqu’à l’os, le second touchera le cœur de la victime. «Je craignais que si je me retournais, j’aurais le cutter dans le cou. Il m’avait dit : “Tu vas saigner maintenant”».
«J’avais peur. Qui me dit qu’il ne se serait pas saisi d’un autre couteau?» C’est la raison qu’Ernol D. avance à la question de savoir pourquoi, après avoir poignardé son beau-père, il l’a suivi avec le couteau dans la main dans le salon. «Entre la porte d’entrée, la descente à la cave ou la montée dans votre chambre, vous aviez la possibilité de partir», constate la présidente. Et d’ajouter : «La recherche du cutter dans sa poche ce n’était peut-être pas pour vous attaquer, mais peut-être une tentative de votre beau-père de se défendre.»
C’est seulement quand il aurait vu que son beau-père n’allait physiquement plus bien qu’Ernol D. affirme avoir quitté le salon pour monter à l’étage et soigner ses blessures dans la salle de bains. Il conteste s’être blessé lui-même au torse avec le couteau après l’altercation. «Dans le couloir, il y a cinq traces de sang de moi et aucune de mon beau-père», appuiera-t-il avant de laisser la parole à son avocat.
«Un acte proportionné contre une menace mortelle»
Ce dernier n’a pas eu besoin d’annoncer que c’est la légitime défense qu’il plaiderait. «Ernol D. est étudiant en droit. Il a aussi plaidé sa cause», a dit Me Philippe Penning avant de s’attaquer à l’analyse des traces de sang dans la maison, et les expertises ADN : «Elles ne donnent pas de réponse claire quant à l’origine du couteau et la prétendue automutilation. Tous les scénarios restent possibles.» Impossible d’en tirer des éléments contre le prévenu, estime l’avocat. Cependant, il y aurait suffisamment d’éléments dans le dossier pour dire que c’est le beau-père qui a été le premier violent. «L’ADN au col de la chemise d’Ernol D. prouve qu’il y a eu une action au cou. Il y a aussi l’hématome au dos. Et pourquoi le beau-père s’excuse-t-il ensuite dans le salon, s’il n’a rien fait?»
Bref, sans tourner le dos à un moment ou un autre à son beau-père dont le cutter dépassait toujours de la poche, Ernol D. ne pouvait partir. «Il a commis un acte proportionné contre une menace potentiellement mortelle. Vous devez l’acquitter.» Pas sûr que le parquet partage la même position. Rendez-vous ce vendredi matin pour le réquisitoire.
Fabienne Armborst
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