Pour le parquet, impossible de parler de légitime défense quand le jeune homme a planté le couteau dans le cœur de son beau-père à Dalheim fin 2017. C’est pour meurtre qu’il faut le condamner.
«Je me suis défendu. Je ne voulais pas sa mort. Je n’avais aucune intention de le tuer…» Jusqu’au bout, Ernol D., âgé de 26 ans aujourd’hui, l’aura répété à la barre de la chambre criminelle. Quand il a poignardé avec un couteau son beau-père le 22 décembre 2017 chez eux à Dalheim, sa seule intention était de se défendre. «Il a commis un acte proportionné contre une menace potentiellement mortelle», avait plaidé son avocat Me Philippe Penning, demandant l’acquittement.
À l’arrivée de la police, Ernol D. présentait quatre blessures au torse : deux coupures et deux égratignures. En désarmant son beau-père dans le couloir il aurait évité le pire, avait-il expliqué. Mais une agression violente qui justifie son acte, comme il le prétend, le parquet n’en voit pas.
L’origine de l’arme du crime a soulevé un certain nombre de questions lors du procès. «Je ne peux prouver d’où venait exactement le couteau», a considéré la représentante du parquet, vendredi matin, au terme de huit jours de débats. Pour elle, une chose est néanmoins sûre : impossible de faire jouer la légitime défense dans cette affaire. «Ernol D. dit avoir été étranglé. Mais le médecin légiste n’a décelé aucune trace de strangulation à son cou. Et sur les mains de son beau-père, il n’y avait pas son ADN.»
Un coup de couteau de 10 cm de profondeur
Ernol D. affirme aussi que c’est son beau-père qui lui a infligé les blessures au torse. Le parquet constate toutefois que l’expertise ADN n’a pas permis de mettre en évidence les traces du beau-père sur le manche du couteau. À cela s’ajoute l’absence de «traces de sang passives» d’Ernol D. dans le couloir. On en retrouve seulement à l’étage, là où Ernol D. dit s’être retiré à la fin de l’altercation. Ce qui laisse penser qu’il ait pu s’automutiler… «Au rez-de-chaussée, il y a seulement les traces de sang de la victime», appuie la parquetière.
Selon la description des lieux, Ernol D. avait la porte dans le dos lors de l’altercation. D’après le parquet, en raison de sa position, c’est donc plutôt lui qui avait la possibilité de se saisir du couteau sur la commode et d’en enlever la protection. Le fourreau du couteau se trouvait d’ailleurs toujours dans la poche d’Ernol D. quand la police a saisi ses vêtements.
Toujours selon le parquet, l’emploi du couteau et la nature des blessures infligées à son beau-père ne laissent entrevoir aucun doute sur l’intention d’Ernol D. «La blessure dans le bras jusqu’à l’os était impressionnante. Il aurait pu s’arrêter après ce coup. Non, il porte un deuxième coup dans la région du cœur. Un coup de 10 centimètres de profondeur.»
«Il aurait pu appeler les secours»
«S’il ne voulait pas le tuer, il aurait pu appeler les secours.» Mais cela non plus il ne l’a pas fait, soulève la parquetière. «Il a suivi son prétendu agresseur dans le salon. Ce n’est pas une réaction normale.» Tout cela lui fait dire que c’est bien Ernol D. qui a pris le couteau en premier «pour poignarder son beau-père». Dans ces conditions, impossible de parler de légitime défense. C’est donc le meurtre qu’il faut retenir.
«Ce sont des faits extrêmement graves. La victime vivait avec lui sous le même toit. À mes yeux, il ne montre aucun repentir pour ce qu’il a fait. Durant toute l’instruction, il n’a cessé de qualifier sa mère de menteuse et son beau-père de tyran…», résumera la parquetière à la toute fin de son réquisitoire. La seule circonstance atténuante qu’elle voit dans tout cela, c’est l’absence de casier judiciaire du prévenu. Au final, elle a requis 22 ans de réclusion contre Ernol D. qui se trouve actuellement sous contrôle judiciaire.
Alors acte de légitime défense comme l’invoque le prévenu ou meurtre? C’est la question que la 13e chambre criminelle devra trancher dans son délibéré. Prononcé le 24 mars.
Fabienne Armborst
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