Il avait tout juste 20 ans et son complice 17 ans quand ils ont braqué la station-service à Lorentzweiler le 3 juillet 2017. En parlant anglais et avec des plaques d’immatriculation volées, le jeune duo cagoulé pensait rester incognito…
«On était depuis à peine deux minutes à Luxembourg-Ville. Boulevard Royal, il y avait plein de police, sirènes allumées. J’ai fait de la place pour qu’elle puisse passer. Mais elle s’est arrêtée juste devant nous… pour notre arrestation.» Visiblement il ne s’attendait absolument pas qu’on les interpelle. Car quand on suit le récit du jeune homme, âgé aujourd’hui de 23 ans, ils pensaient avoir pris leurs précautions avant le braquage ce 3 juillet 2017.
Son complice avait décidé de parler en anglais en pénétrant dans la station-service à Lorentzweiler : «Where is the money? Give the money, all the money!» «Comme ça, on ne croirait pas qu’on était luxembourgeois, mais étrangers.» Ils avaient également choisi une station-service «plus dans le nord» pour qu’on ne les reconnaisse pas. «D’abord on en avait repéré une près de Bettembourg, mais mon complice m’a dit qu’il connaissait des gens qui habitaient par là.»
Des caméras de vidéosurveillance, ils n’avaient pas peur non plus : «On était cagoulés. Et on avait aussi des plaques d’immatriculation volées.» «On a même d’abord cherché à en trouver en France. Il y aurait moins de chances qu’ils nous trouvent avec des plaques étrangères», détaille le prévenu. Mais c’est finalement à Dudelange, sur un «parking tranquille près d’un chemin de champ», qu’ils avaient trouvé leur bonheur.
Dernier détail : «Mon complice m’avait laissé avec le minuteur de son portable dans la voiture. Je devais le garder à l’œil et klaxonner. Son plan était qu’il ne reste pas trop longtemps à l’intérieur…»
Le butin : 396,88 euros
Armé d’un pistolet d’alarme, le complice était donc entré dans la station-service et il avait exhorté la caissière à lui donner tout l’argent. Il lui avait tendu un sac blanc. Également dans le viseur du pistolet, le client en train de payer son plein de carburant n’avait pas pu faire grand-chose pour aider. Mais sa femme restée dans la voiture à l’extérieur avait observé toute la scène et appelé sans attendre la police.
La suite, on la connaît. Le duo cagoulé a certes pris la fuite en direction de l’autoroute A7 à bord de sa Toyota Aygo rouge. Mais il a vite terminé sa course entre les mains de la police. Outre des gants, du gaz lacrymogène, le pistolet d’alarme… et un couteau, les agents avaient découvert le butin : 396,88 euros. «Le plan était d’aller cacher l’argent à Schifflange. Mais j’ai pris la sortie directement après le tunnel», se remémore le prévenu. Il se souvient aussi que son complice avait lâché en route un peu surpris : «J’ai seulement reçu des petits billets…»
Le duo avait fait son coup à 21 h 55, quelques minutes avant la fermeture, espérant toucher le gros lot. Mais ce dont il n’était pas au courant, c’est que les employés doivent régulièrement vider la caisse. «Cela a l’air d’une histoire de Pieds nickelés, une erreur de jeunesse…», dira la représentante du parquet dans son réquisitoire. L’épilogue avait lieu lundi après-midi devant la chambre criminelle. Emin y comparaissait seul, car son complice, comme il l’appelle, avait 17 ans au moment des faits. Et le juge de la jeunesse a considéré qu’au regard de sa situation personnelle – après une expertise psychiatrique – il n’y avait pas lieu qu’il soit jugé dans les formes ordinaires.
«Était-ce parce que lui était mineur et risquait moins qu’il est entré dans la station-service?», s’est intéressée la présidente. «L’âge ne jouait aucun rôle pour nous. On s’est connus à l’école…» Emin précisera que le «plan» était qu’ils entrent à deux dans la station-service pour les sous. «Mais juste avant, j’ai eu un drôle de sentiment. Je ne savais plus si je pouvais le faire. « Reste dans la voiture, je le fais », m’a-t-il dit.»
Le parquet requiert 5 ans de réclusion
«C’est un braquage de bras cassés», plaidera Me Philippe Stroesser. «Je pense que sa déclaration transpire la sincérité. Il a été droit devant vous», ajoutera l’avocat. Il demande qu’Emin ne soit pas réincarcéré.
Le jeune homme a passé près de huit mois en détention préventive après les faits. La parquetière ne s’attardera pas longuement sur les faits. «Le plus dur dans cette affaire est la peine.» En cas d’extorsion avec des armes montrées, on encourt en effet de 10 à 15 ans de réclusion. Mais le parquet rejoint la position de la défense. Au vu du jeune âge du prévenu, de ses aveux et de son absence d’antécédents spécifiques, il estime que le tribunal peut descendre jusqu’au minimum de 5 ans. Il propose d’assortir la peine d’un sursis probatoire avec l’obligation qu’il travaille ou soit à la recherche active d’un emploi.
Avant que la 9e chambre criminelle ne prenne l’affaire en délibéré, le jeune prévenu a exprimé ses regrets et s’est excusé. Prononcé le 23 février.
Fabienne Armborst